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  • La protection de la planète et de sa biodiversité représente la responsabilité intergénérationnelle la plus importante à laquelle nous sommes confrontés. De plus, les impacts des changements environnementaux et climatiques ne sont pas neutres en termes d'égalité femmes-hommes. Dans les économies en développement comme dans les économies avancées, les femmes sont plus vulnérables aux effets du changement climatique que les hommes. En raison du changement climatique et de graves dangers environnementaux, des millions de personnes sont exposées au risque de déplacement, dont 75 % sont des femmes. Malgré le rôle des femmes dans l'agriculture et l'élevage, les droits des agricultrices sont limités pour hériter, accéder et utiliser la terre et d'autres ressources productives, principalement en raison de normes sociales profondément enracinées. L'accès également restreint des femmes aux ressources financières et à l'éducation limite encore davantage leur capacité de se préparer et à répondre aux chocs environnementaux. Les femmes ont tendance à être surreprésentées dans les groupes à faible revenu, qui sont les plus touchés par la pollution dans les villes et par les dommages environnementaux causés par l'industrie. En outre, pendant et après une crise environnementale ou une pandémie, les femmes et les filles sont exposées à un risque accru de violence sexiste. La discrimination et la violence affectent également les modes de mobilité et les choix de transport des femmes, ce qui peut avoir des effets négatifs sur l'environnement.

  • Ce rapport a été préparé à la suite d'un appel lancé par les pays membres de l'OCDE lors de la Réunion du Conseil au niveau des Ministres (RCM) de 2019 pour intégrer la dimension de l'égalité hommes-femmes dans tous les domaines de compétence de l'OCDE. L'OCDE a par la suite lancé une « Plateforme pour les politiques d'égalité femmes-hommes : Accélérer l'intégration à travers les Objectifs de développement durable », avec un accent particulier sur les domaines des politiques publiques dans lesquels l'OCDE n'avait pas encore appliqué une perspective sexospécifique, l'environnement faisant partie de ces domaines. Les travaux ont été financés par une allocation du Fonds central pour les projets prioritaires ainsi que par des Contributions volontaires.

  • L'égalité femmes-hommes et l’autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles sont en soi des objectifs universels, expressément énoncés en tant que tels dans l’Objectif de développement durable n°5 (ODD 5) du Programme de développement durable à l'horizon 2030 (Programme 2030), la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), et la Déclaration et le Programme d’action de Pékin adoptés en 1995. L’OCDE a publié deux recommandations sur le sujet de l’égalité entre les sexes : la Recommandation de 2013 du Conseil sur l'égalité hommes-femmes en matière d'éducation, d'emploi et d'entrepreneuriat, et la Recommandation de 2015 du Conseil sur l'égalité hommes-femmes dans la vie publique. Un rapport d’avancement de 2017 sur ces deux recommandations montre que les disparités entre les sexes et les préjugés dont sont victimes les femmes et les filles perdurent dans tous les domaines, et il appelle à prendre des mesures effectives pour lever les obstacles existants afin d’assurer l'équité et l'égalité des chances. La lutte contre les inégalités entre les sexes est un impératif social et économique.

  • Les progrès accomplis vers la réalisation des Objectifs de développement durable appellent des réponses ciblées. Les objectifs en matière d'égalité femmes-hommes et d’environnement se renforcent mutuellement, mais leurs complémentarités et leurs compromis ne sont pas suffisamment présentés ni pris en compte dans le Programme 2030. La reconnaissance et la prise en compte de l’interdépendance entre l'égalité femmes-hommes et l’environnement pourraient favoriser la cohérence des politiques, le passage à une croissance verte et inclusive et mettre l'accent sur le bien-être.

  • Au cours des dernières décennies, de nombreux progrès ont été effectués sur le plan de l’égalité femmes-hommes. De même, certaines décisions et mesures importantes ont été prises en matière de durabilité environnementale. Pourtant, les rapprochements entre ces deux thématiques ne sont qu’occasionnels. Les interactions entre les objectifs d’égalité femmes-hommes et les objectifs environnementaux ne sont pas encore suffisamment visibles, ou ne bénéficient pas de l’attention qui devrait leur être accordée dans des domaines comme les infrastructures, le développement urbain, les emplois verts, l’innovation, et la consommation durable. La présence de femmes aux postes de direction dans les secteurs public et privé sera essentielle à la mise en œuvre d’un programme d'action plus intégré. Alors que les femmes jouent souvent un rôle majeur dans l’action environnementale, elles sont souvent sous-représentées dans la prise de décision relative aux questions en lien avec l’environnement, et encore moins présentes dans des secteurs comme la finance, qui définissent en fin de compte les résultats environnementaux. La pandémie de COVID-19 a également rappelé de façon spectaculaire à quel point les inégalités systémiques entre les sexes peuvent être exacerbées par les chocs et crises planétaires, et les facteurs environnementaux sont étroitement liés au bien-être des populations. Il est urgent de remédier à la pénurie massive de données ventilées par sexe afin de pouvoir rapprocher les programmes d’action en faveur de l’égalité femmes-hommes et de la durabilité environnementale.

  • Les données existantes montrent que les facteurs environnementaux ont un impact différent selon les sexes, les femmes pouvant être plus exposées à certains risques environnementaux et professionnels. Le changement climatique et les événements météorologiques extrêmes frappent également différemment les hommes et les femmes, ces dernières étant souvent plus durement touchées du fait des rôles qui leur sont traditionnellement attribués. La mise en place d’une infrastructure de qualité tenant compte des besoins différents selon les sexes, ainsi que l’accélération de la transition vers une économie sobre en carbone pourraient favoriser une participation accrue des femmes sur le marché du travail. Il conviendrait en outre, lors de l’élaboration des politiques publiques visant à réduire les inégalités femmes-hommes, de tenir compte des effets de la crise actuelle du COVID-19.

  • La justice environnementale fait référence à une participation équitable et inclusive à l’élaboration, à la mise en œuvre et au contrôle de l’application de la législation environnementale aux échelles nationale et internationale. Souvent, les filles et les garçons, les jeunes (organisations de la société civile et jeunes professionnels), les peuples autochtones (dont les différences entre hommes et femmes) et les femmes ne sont pas équitablement représentés ou ne peuvent pas faire entendre leur voix lors des processus décisionnels et de l’élaboration des politiques environnementales. Par conséquent, leurs besoins et préférences en matière d’environnement peuvent ne pas être pris en compte. Les pays en développement, les petits États insulaires en développement (PEID) et les communautés autochtones sont particulièrement vulnérables aux menaces environnementales. Les femmes de ces pays paient souvent un lourd tribut en termes de dommages environnementaux et de catastrophes naturelles. Outre les gouvernements et la communauté internationale, les entreprises et les institutions philanthropiques jouent un rôle de plus en plus important dans la promotion de la justice environnementale et climatique et dans le soutien à l’autonomisation économique des femmes et au leadership environnemental des femmes. La pandémie de COVID-19 a également créé un élan unique en faveur d’un changement inédit, étant donné que de nouvelles politiques et de nouveaux investissements à grande échelle s’imposent pour s’attaquer simultanément aux crises sanitaire, économique, climatique et de la biodiversité.

  • Intégrer la question de l’égalité entre les sexes et les considérations environnementales dans les décisions politiques peut améliorer le bien-être de tous et accélérer la réalisation de l’ensemble des ODD. Les conditions essentielles à remplir sont notamment la prise en compte de la spécificité des besoins, des préférences et du bien-être des femmes et leur participation aux processus de prise de décision. La problématique femmes-hommes associée à celle des questions environnementales manque cruellement dans les normes mondiales actuelles. Il est nécessaire de mettre en place un cadre d’action intégré qui rassemble les objectifs d’égalité femmes-hommes et de durabilité, et qui tienne compte des compromis et complémentarités aux niveaux local, national et international.

  • Alors que les femmes représentent une part croissante des travailleurs agricoles, les discriminations sexuées se traduisent pour les femmes, dans une bonne partie du monde en développement, par une vulnérabilité plus grande à la faim et aux effets négatifs des dommages causés à l’environnement par l’agriculture intensive, comparativement aux hommes. Il est essentiel de s’attaquer aux discriminations qui limitent l’accès à la terre et aux ressources naturelles et de remédier aux disparités entre les sexes en matière d’éducation, de formation et de finance si l’on veut permettre aux femmes d’accroître la productivité agricole et de promouvoir des pratiques agricoles plus durables. Certains de ces obstacles persistent également dans les pays avancés, en particulier en matière de compétences à acquérir et de représentation dans les processus décisionnels.

  • Les difficultés d’accès à de l’eau propre et le manque d’équipements d'assainissement et d’hygiène sont des problèmes qui touchent principalement les pays en développement, en particulier en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud. Les femmes sont davantage pénalisées que les hommes par la raréfaction de l’eau et l’insuffisance des installations sanitaires, à la fois parce qu’elles ont des besoins particuliers en matière d’hygiène et parce qu’elles sont généralement chargées d’aller chercher l’eau. En remédiant aux discriminations et aux normes sociales relatives à la gestion de l'eau, les sociétés pourraient bénéficier de l’apport des femmes dans ce domaine et ainsi avoir des systèmes d'approvisionnement en eau qui fonctionnent mieux, étendre l’accès à l’eau et procurer des avantages économiques profitant à toute la collectivité.

  • La précarité énergétique est un phénomène mondial qui a une forte dimension sexospécifique. Dans les pays en développement, le manque d’accès à l’énergie entrave le bien-être et les possibilités économiques des femmes et des filles, étant donné qu’il nuit à leurs conditions de vie et à leur budget-temps, et compromet leurs possibilités d’éducation et d’accès à la vie économique. Les inégalités femmes-hommes en matière d’énergie peuvent être encore accentuées par les politiques énergétiques nationales et les modèles du marché du travail. L’énergie étant la principale source d’émissions de GES, il peut donc être essentiel d’élargir l’accès aux énergies vertes et d’améliorer leur accessibilité financière pour parvenir à un développement plus durable qui profite à tous. Les femmes peuvent également jouer un rôle clé dans la transition vers les énergies vertes, en tant que consommatrices responsables, en particulier dans le cadre du foyer, mais aussi dans le cadre des affaires et de l’élaboration des politiques. L’autonomisation et l’impulsion des femmes dans le secteur de l’énergie pourraient aider à accélérer la transition vers une économie bas carbone en promouvant les énergies propres et l’efficacité énergétique, ainsi qu’à s’attaquer à la précarité énergétique. La « transition juste » doit également inclure une optique sexospécifique afin de garantir les mêmes chances aux hommes et aux femmes sur le marché du travail.

  • L’industrialisation et le développement de l’infrastructure soutiennent la croissance économique depuis des décennies et ont permis d’améliorer grandement de nombreux aspects du bien-être dans toutes les couches de la population. L’infrastructure est primordiale pour l’égalité entre les sexes, car elle facilite l’accès aux services essentiels aux femmes et offre de nouveaux débouchés économiques. Néanmoins, l’industrialisation et l’infrastructure ont également un coût important pour la santé et l’environnement, et peuvent avoir des répercussions sociales négatives, lesquelles touchent souvent les femmes principalement. La prise en compte de la problématique femmes-hommes lors de la mise en place de l’infrastructure est essentielle pour combler les écarts qui persistent entre femmes et hommes en matière d’utilisation de l’infrastructure et d’emploi. Les femmes peuvent également jouer un rôle déterminant dans l’innovation verte et numérique, à condition de résoudre un certain nombre de problèmes, notamment concernant l’écart de compétences, les préjugés sociaux et une discrimination pure et simple. Des disparités persistent entre femmes et hommes aux postes de responsabilité dans le secteur privé, notamment les domaines de l’infrastructure, de l’économie verte et du numérique.

  • Les femmes et les hommes n’ont pas le même rapport à la conception des villes et de l’habitat et à l’infrastructure des transports parce qu’ils jouent des rôles sociaux différents, suivent des profils professionnels différents et n’ont pas les mêmes préférences. Les risques engendrés par l’urbanisation sauvage, l’étalement urbain et les taudis, ainsi que par des transports inadaptés et dangereux, sont plus importants pour les femmes en raison de divers facteurs, des effets de la pollution intérieure et extérieure à la violence sexuelle. Ce chapitre passe en revue les données mettant en évidence les différences d’impact de la vie et de l’aménagement urbains sur les hommes et les femmes, examine le rôle des femmes dans la promotion de villes et de transports durables et inclusifs, et propose une série de recommandations d’action afin de mieux intégrer les aspects relatifs à l’égalité femmes-hommes et à la durabilité dans les stratégies et mesures d’urbanisation et d’infrastructures urbaines.

  • Il est indispensable de tendre vers l’instauration de modes de consommation et de production plus durables afin de freiner la dégradation de l’environnement, de protéger les écosystèmes et la biodiversité ainsi que de lutter contre le changement climatique. En raison de leur condition sociale et économique dans les sociétés, les femmes sont particulièrement touchées par ces modes de consommation et de production. Dans le même temps, elles peuvent être le moteur du changement, en tant que consommatrices et actrices dans la prise de décision, à la fois dans le secteur public et privé. La prise en compte de la problématique de l’égalité femmes-hommes est essentielle pour réussir à mettre en œuvre une stratégie en faveur de l’économie circulaire. Avec des mesures d'information, d’autonomisation et d’incitation appropriées, les femmes peuvent devenir des acteurs clés du changement et aider à découpler croissance économique et dégradation de l’environnement, en améliorant l’efficacité d’utilisation des ressources et en encourageant des modes de vie durables.

  • Les répercussions du changement climatique et les phénomènes environnementaux de grande ampleur s’intensifient et pèsent de plus en plus lourdement sur les économies et les moyens de subsistance. Ces répercussions ne sont pas les mêmes selon le sexe, et les femmes sont souvent particulièrement exposées en raison de leur statut économique et social plus vulnérable et de leur rôle dans la société. En même temps, les femmes peuvent être des agentes puissantes de l’action pour le climat, à la fois au niveau des populations locales et en tant que responsables dans les secteurs public et privé. Les stratégies et les politiques climatiques doivent donc intégrer une dimension sexospécifique, et il est nécessaire de collecter de meilleures données ventilées par sexe sur les effets du climat et sur l’action pour le climat.

  • Des écosystèmes marins sains sont essentiels pour la biodiversité et pour contrer et réduire les effets du changement climatique. Ils assurent également la subsistance des communautés humaines et soutiennent le développement d’une économie bleue durable. La prolifération des déchets et des substances toxiques dans les océans est non seulement dommageable pour les écosystèmes marins fragiles, mais elle est aussi néfaste pour la santé des êtres humains, en particulier les enfants et les femmes enceintes. Permettre aux femmes d’accéder à des postes de direction et leur donner les moyens d’agir sur la question des océans sont deux actions fondamentales pour qu’elles puissent jouer un rôle clé dans la protection des écosystèmes marins, la gestion des déchets rejetés en mer et la promotion d’une pêche durable.

  • Les femmes des zones rurales risquent d’être fortement touchées par une biodiversité appauvrie. Dans de nombreux pays en développement, le rôle des femmes dans l'approvisionnement en eau et en combustible ainsi que dans la cueillette de plantes sauvages à usage médicinal et alimentaire les rend plus vulnérables à la déforestation, à la dégradation des sols et à la désertification – des effets d’autant plus négatifs qu’elles ne bénéficient pas des mêmes droits de propriété ni conditions d’accès aux ressources que les hommes. Le risque est également majeur pour les femmes des populations autochtones et des communautés rurales de certains pays développés. Pourtant, les femmes peuvent œuvrer à la protection et à la conservation de la biodiversité, ainsi qu’à une agriculture durable. Ces effets positifs peuvent être amplifiés en renforçant l’égalité femmes-hommes et en s’attaquant aux obstacles liés au genre.

  • [1] Cohen, G. and M. Shinwell (2020), “How far are OECD countries from achieving SDG targets for women and girls? : Applying a gender lens to measuring distance to SDG targets”, OECD Statistics Working Papers, No. 2020/02, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/17a25070-en.