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  • Alors que les compétences sont en passe de devenir la principale monnaie d’échange internationale du 21e siècle, nos systèmes éducatifs se doivent de fournir aux élèves et étudiants les compétences requises par une économie globalisée fondée sur la connaissance. L’éducation doit notamment mettre l’accent sur les compétences qui favorisent l’innovation au sein de nos économies et de nos sociétés : créativité, imagination, communication et travail en équipe, pour n’en citer que quelques-unes. L’éducation artistique est particulièrement bien placée pour favoriser ces compétences. Certains considèrent que l’enseignement artistique favorise également l’acquisition de compétences fondamentales telles que la lecture ou les mathématiques.

  • Cet ouvrage a été rédigé conjointement par Ellen Winner (Département de psychologie, Université de Boston), Thalia R. Goldstein (Département de psychologie, Université Pace) et Stéphan Vincent-Lancrin (Direction de l’éducation et des compétences, OCDE). Il contribue aux travaux menés par le Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement (CERI) dans le cadre du projet intitulé « Stratégies pour l’innovation dans l’enseignement et la formation » dirigé par Stéphan Vincent-Lancrin.

  • Au sein de nos sociétés, les artistes, tout comme les scientifiques ou les chefs d’entreprise, sont perçus comme des modèles en termes d’innovation. Il n’est donc pas surprenant que l’éducation artistique soit souvent considérée comme un moyen de développer des compétences perçues comme essentielles à l’innovation : pensée critique et créative, motivation, confiance en soi et capacité à communiquer et à coopérer efficacement, mais aussi des compétences dans les disciplines scolaires non artistiques telles que les mathématiques, les sciences, la lecture ou l’écriture. L’éducation artistique a-t-elle vraiment un impact positif sur les trois sous-ensembles de compétences que nous appellerons ici les « compétences liées à l’innovation » : compétences techniques, compétences liées à la réflexion critique et à la créativité, et caractère (compétences comportementales et sociales) ?

  • Ce chapitre présente le contexte, les sujets abordés et la méthodologie utilisée par le présent ouvrage. Nous montrons ici que les responsables politiques mettent plus que jamais l’accent sur l’acquisition des compétences liées à l’innovation et font appel à l’éducation artistique pour y parvenir. De même, les chantres de l’éducation artistique, considérant parfois que cet enseignement est en danger, s’efforcent de mettre en avant les effets significatifs de cette discipline sur les compétences non artistiques. Le but de cet ouvrage est de démontrer lesquelles de ces allégations sont étayées par des données probantes issues de la recherche. Cette section évoque les sujets couverts par ce rapport, examine la notion de transfert de compétences et propose une synthèse des objectifs de ce rapport et des méthodes utilisées. Il propose ensuite un aperçu de nos conclusions.

  • Ce chapitre passe en revue les études examinant si l’éducation artistique pluridisciplinaire a un impact positif sur certaines formes de savoir non artistiques. Les études sur l’éducation artistique « pluridisciplinaire » ne portent pas sur les effets des différentes disciplines artistiques mais comparent les élèves pratiquant plusieurs activités artistiques différentes (arts plastiques, musique, etc.) avec ceux qui n’en pratiquent aucune ou peu. Ces études se font l’écho d’une corrélation positive entre l’éducation artistique pluridisciplinaire et le niveau scolaire global, mais il n’existe encore aucune preuve permettant d’affirmer que l’éducation artistique pluridisciplinaire est la cause de cette amélioration du niveau scolaire.

  • Ce chapitre examine les recherches menées sur les effets de l’apprentissage de la musique sur les facultés cognitives : niveau scolaire global, quotient intellectuel (QI), lecture et conscience phonologique, apprentissage d’une langue étrangère, mathématiques, compétences visuo-spatiales, attention et mémoire. Ces recherches montrent que les cours de musique permettent d’améliorer les résultats scolaires, le QI, la conscience phonologique et la capacité à déchiffrer les mots chez les enfants. On comprend bien le lien qui peut exister entre éducation musicale et conscience phonologique car les deux sont liées aux capacités d’écoute. La conscience phonologique étant liée à la capacité à déchiffrer les mots, il est également compréhensible que l’éducation musicale puisse développer cette capacité chez les jeunes enfants. Mais comment interpréter l’effet des cours de musique sur le QI et les résultats scolaires ? Ce chapitre évoque les explications les plus plausibles.

  • Ce chapitre examine les modes de pensée que pourraient développer un apprentissage intensif des arts plastiques, puis passe en revue les études menées sur les effets de l’apprentissage de cette discipline sur les facultés cognitives : en termes de niveau scolaire global, de lecture, de raisonnement géométrique et spatial, et de capacités d’observation. Le seul domaine où un transfert de compétences a été démontré (et par une seule étude) est la faculté d’observation visuelle, un des modes de pensée fréquemment mis en avant par les enseignants en arts plastiques. L’autre domaine qui nous semble prometteur est la relation entre l’enseignement des arts plastiques et la géométrie, le raisonnement spatial étant utilisé dans ces deux disciplines. À ce jour, seuls des liens de corrélation ont été toutefois observés, même si une étude de type quasi-expérimental est menée actuellement afin d’examiner l’impact des arts plastiques sur les compétences en géométrie.

  • Ce chapitre examine les recherches concernant les effets de l’éducation théâtrale sur les facultés cognitives : niveau scolaire global et compétences verbales. Il existe des preuves solides d’un lien de causalité entre l’enseignement de l’art dramatique et le développement d’un large éventail de compétences verbales, notamment la lecture et la compréhension de textes narratifs.

  • Ce chapitre examine les recherches menées sur les effets de l’enseignement de la danse sur les facultés cognitives : niveau scolaire global, lecture et compétences visuo-spatiales. Il existe quelques études probantes démontrant que l’enseignement de la danse permet d’améliorer les compétences visuo-spatiales. Mais la recherche doit encore déterminer si ces compétences spatiales permettent aux danseurs d’obtenir de meilleurs résultats que les non danseurs dans les matières classiques où le raisonnement spatial joue un rôle important, comme la géométrie ou la physique.

  • Dans ce chapitre, nous examinons les effets de l’éducation artistique sur la créativité en distinguant ceux de l’éducation artistique pluridisciplinaire et ceux de l’enseignement de la musique, des arts plastiques, du théâtre et de la danse. Malgré la croyance répandue selon laquelle l’éducation artistique enseignerait la créativité, nous avons trouvé peu de preuves étayant cette hypothèse dans le domaine de l’éducation artistique pluridisciplinaire et de l’enseignement des arts plastiques. Nous avons néanmoins trouvé des résultats de rechercheallant dans ce sens concernant le théâtre et la danse. Nous pensons que le manque de preuves en faveur de cette hypothèse pourrait s’expliquer par l’approche limitée généralement choisie pour mesurer la créativité, par le nombre réduit d’études sur cette question et par le fait que l’enseignement artistique n’incite pas toujours les élèves à penser de façon créative.

  • Dans ce chapitre, nous nous proposons d’examiner les effets de l’éducation artistique sur la motivation scolaire. L’idée que l’éducation artistique renforce la motivation scolaire des élèves est une hypothèse répandue. Nous examinons ici les études montrant que les élèves participant à des activités artistiques font preuve d’une forte motivation scolaire et celles montrant qu’ils ont tendance à avoir des aspirations professionnelles ou universitaires plus élevées que ceux ne fréquentant pas les arts. Il s’agit cependant de résultats corrélationnels et on ne peut donc en conclure que l’éducation artistique encourage les aspirations professionnelles ou universitaires. Il est également possible que les élèves ayant des aspirations élevées choisissent d’étudier les arts. Il est donc nécessaire de mener d’autres recherches expérimentales sur cette question.

  • Dans ce chapitre, nous nous proposons d’examiner les données relatives à l’impact de l’éducation artistique pluridisciplinaire et de l’enseignement d’une discipline artistique spécifique sur les compétences sociales : concept de soi et estime de soi de manière générale, comportement social, empathie, régulation des émotions et capacité à comprendre le point de vue des autres (compréhension de l’autre). Le seul élément de preuve dont nous disposions à ce jour pour démontrer que l’éducation artistique améliorerait certains aspects du comportement social ou de la cognition sociale nous vient du théâtre. Il existe des données quasi-expérimentales probantes démontrant que l’éducation théâtrale renforce l’empathie, la capacité à comprendre le point de vue des autres et la régulation des émotions. Ceci s’explique sans doute par le fait que la pratique du théâtre demande aux enfants de se mettre à la place des autres, de ressentir leurs émotions et de comprendre leur état psychique. L’enseignement du théâtre apprend également aux enfants à exprimer leurs émotions. Il serait bon de poursuivre les recherches dans ce domaine afin de pouvoir tirer des conclusions définitives sur la capacité du théâtre à influer sur ces compétences sociales particulièrement importantes.

  • Dans ce chapitre, nous verrons qu’un nombre croissant de recherches neuroscientifiques explore les liens entre l’éducation artistique et le cerveau. Nous fournissons ici quelques exemples des recherches ayant été menées mais nous pensons néanmoins que la stimulation ou la modification cérébrale ne constitue pas un résultat en soi. Nous avons donc préféré présenter les conclusions de cet important corpus de recherches dans les autres chapitres, en lien avec les résultats que nous considérons comme plus significatifs.

  • Dans ce dernier chapitre, nous proposons une synthèse de la méthodologie et des principales conclusions de ce livre ainsi qu’un plan d’action pour la poursuite des recherches. Nous évoquons également les implications que nos conclusions pourraient avoir en termes de politique éducative. La première section définit le contexte en termes de politique éducative et donne un bref aperçu des compétences requises par les sociétés axées sur l’innovation. La deuxième section présente les principales conclusions de l’examen que nous avons mené concernant l’impact de l’éducation artistique. La troisième section suggère un plan d’action pour les futures recherches dans ce domaine. Enfin, la dernière section émet l’hypothèse que la principale contribution de l’éducation artistique aux sociétés de l’innovation réside dans sa capacité à développer des modes de pensée utilisables dans d’autres domaines. Nous concluons en affirmant que le rôle majeur que joue l’art dans l’expérience humaine est une raison suffisante pour justifier sa présence dans les programmes scolaires.