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Helsinki et la région environnante sont sorties des années 90 dotées d’une économie compétitive ayant apparemment su concilier les exigences de la « Nouvelle économie » avec les principes fondateurs de l’Étatprovidence nordique. Bien que la solidité de ce modèle reste incertaine, sa réussite s’avère remarquable ; ce modèle offre en effet l’exemple concret d’une dynamique de globalisation compatible avec une marge de manœuvre non négligeable pour les pouvoirs publics. Cette expérience corrobore les données empiriques signalant que l’engagement social en faveur de l’égalité des chances ne nuit pas nécessairement à la performance économique. Cependant, les amorces de tendances observées en Finlande et dans la Région du Grand Helsinki (RGH) révèlent qu’un tel engagement devient difficile à respecter dans l’environnement actuel du développement économique. L’aggravation récente des disparités économiques au sein du pays, une différence spatiale accrue entre les collectivités locales et le creusement des écarts en matière de revenus individuels – bien que faible en tout état de cause – compromettent la capacité économique de l’État, des régions et des collectivités locales à remplir leur double mission de justice sociale et de maintien de la croissance. Par rapport à plusieurs critères, on peut dire du développement de la RGH qu’il est en phase de transition et qu’il incite à un réexamen de l’action publique en ce sens qu’elle vise à la fois l’objectif de la compétitivité et celui de l’égalité des chances...
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Avant les succès remportés par l’économie finlandaise sur ses concurrents dans la deuxième moitié des années 90, le contrat social qui prévalait implicitement était à la fois simple et consensuel. Des taux élevés d’imposition marginale et l’inscription dans la loi du droit à tout un ensemble de services sociaux, assuraient à ce pays l’une des économies les plus égalitaires du monde alors que la Finlande semblait prête à supporter le coût d’une croissance économique moindre. Toutefois, la sévère récession du début des années 90, assurément la plus profonde qu’aît connu l’un des pays membres de l’OCDE depuis 1945, a contraint la Finlande à une réévaluation critique de cette équation sociale. Mais surtout, la forte orientation rationaliste de la gestion finlandaise a été balayée par l’incertitude économique qui a gagné tous les secteurs et toutes les couches sociales du pays...
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La définition de la Région du Grand Helsinki repose sur quatre facteurs essentiels : la coopération entre les différents acteurs, la migration alternante (déplacements domicile-travail) la connectivité et l’utilisation des régions NUTS 3 comme modules. Cette étude tente, pour la première fois, de décrire Helsinki et ses régions adjacentes comme un tout1. La Région du Grand Helsinki est constituée de quatre régions : Uusimaa, Itä-Uusimaa, Häme (anciennement Kanta-Häme) et Päijät-Häme, désignées dans la classification de l’Union européenne comme des régions NUTS 3 (figure 2.1). Les 1 757 000 personnes qui vivent dans ces régions représentent approximativement un tiers de la population totale de la Finlande. Les trois quarts de la population de la RGH vivent dans l’Uusimaa. A l’intérieur de la RGH, ces régions NUTS 3 se subdivisent en dix sous-régions NUTS 4 (tableau 2.1). La partie centrale de la région, dans laquelle on trouve Helsinki, Espoo, Vantaa et Kauniainen, constitue la zone métropolitaine d’Helsinki, qui regroupe une population de 965 000 habitants. Avec ses 560 000 habitants, la capitale Helsinki est la plus grande ville du pays. Les quatre municipalités centrales et les huit municipalités périphériques constituent une région fonctionnelle urbaine (Région d’Helsinki, RFU) délimitant une zone de migration alternante dans laquelle plus de 15 % des résidents travaillent dans la région centrale d’Helsinki...
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La région d’Helsinki place très haut la barre dans les domaines de l’urbanisme, de la gestion publique, de l’économie, de l’environnement, du social, de l’éducation, de la culture et de l’architecture. La ville et les municipalités environnantes ont remporté de grands succès dans de nombreux domaines. L’aménagement de la région métropolitaine est satisfaisant : le plan d’occupation des sols a été bien pensé et le système de transport est équilibré et efficace. Les administrations municipales sont compétentes et de plus en plus coordonnées. L’économie de la région est solide, compétitive au plan international et elle a connu une croissance rapide. L’amour et le respect des Finlandais pour leur environnement naturel ont fait qu’ils ont su préserver une épaisse couverture forestière et des eaux saines. Les services sociaux sont parmi les meilleurs du monde avec des niveaux exceptionnellement élevés de sécurité sociale, de bien-être et d’égalité. L’enseignement est ouvert à tous et de grande qualité ; il est gratuit de la crèche à l’université et complété par un vaste réseau de bibliothèques. Helsinki est un pôle culturel au rayonnement national, attirant toujours plus de touristes étrangers grâce aux manifestations proposées dans le domaine des arts, du design, du spectacle, de la littérature et des loisirs ; Helsinki s’impose ainsi depuis peu comme une Cité européenne de la culture. Son patrimoine architectural est d’une richesse exceptionnelle ; en effet, une longue lignée d’architectes remarquables a su créer un milieu bâti beau et élaboré dans lequel il fait bon vivre...
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Comme les autres pays nordiques, la Finlande est dotée d'un vaste secteur public qui fournit un ensemble généreux de services sociaux. En outre, le pays fait largement appel aux collectivités locales pour assurer ces services. Bien que le fait de s'en remettre largement aux collectivités locales pour assurer les services sociaux ne cadre pas avec les modèles classiques du fédéralisme budgétaire, la Finlande gère cette situation en imposant des normes assez rigoureuses sous la forme de « recommandations » émanant du centre et en s'efforçant d'égaliser la capacité financière des différents districts. D'une certaine façon, on décrirait mieux le système en disant que les communes jouent le rôle d'agent de l'État plus qu'elles ne se comportent en collectivités autonomes décidant elles-mêmes de la qualité des services qu'elles offrent...
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S’inscrivant dans une tradition bien ancrée d’équité sociale et d’intégration, l’État-providence finlandais a limité les inégalités sociales dans la zone métropolitaine d’Helsinki, contrairement à ce qu’on peut observer dans d’autres grandes villes européennes ou américaines où la pauvreté et l’exclusion se concentrent clairement dans les quartiers défavorisés. L’augmentation sensible du chômage de longue durée provoquée par la récession du début des années 90 a commencé à remettre en cause ce modèle d’intégration sociale. En dépit du haut degré d’homogénéité qui prévaut, jusqu’à présent, dans la région d’Helsinki, certaines disparités apparaissent de plus en plus nettement, reflétant l’émergence possible d’un processus de ségrégation multidimensionnel dans la région. Même si la polarisation de l’espace reste relativement limitée à Helsinki, la persistance du chômage dans les groupes à faible niveau de formation et l’accentuation des écarts de revenu appellent une restructuration des politiques menées par le passé, trop axées sur l’amélioration des infrastructures physiques et la mise en place d’une stratégie de prévention fondée sur l’action au niveau local. Pour endiguer la montée du chômage, qui constitue un problème dans la région, il y a lieu de rationaliser la politique du marché du travail. Cela pourrait passer par des mécanismes de régionalisation et de coopération axés sur les groupes les plus pertinents de la population, afin d’encourager un processus dynamique d’intégration économique et sociale. Alors qu’elle est confrontée à l’arrivée d’une nouvelle population immigrée, la région d’Helsinki doit se donner les moyens d’accueillir le multiculturalisme et offrir de nouvelles perspectives de cohésion sociale tout en préservant la richesse de la diversité...
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La Région du Grand Helsinki (RGH) fournit un bon exemple de la complexité des événements et interactions qui interpénètrent les sphères économique, sociale et politique et conduisent à l'émergence et au maintien d'un SPL (système productif local) dans les TIC. Ce SPL est à la fois le résultat et le moteur principal de l'entrée de la Finlande dans la société de l'information, reconnue au plan international (encadré 6.1). Sa nature même, et les défis qu'il doit relever, sont plus clairement mis en lumière dans une perspective comparative. Aussi ce chapitre met-il l'accent non pas sur le SPL des TIC finlandais ou le SPL des TIC dans la RGH, en tant que tels, mais sur l'évaluation de la pertinence du développement de certains centres spécialisés dans les TIC (Portland, dans l'Oregon ; Dublin, en Irlande ; et Tel Aviv, en Israël) pour le SPL de TIC dans la RGH (voir annexe I). Malgré la spécificité de la formation et de l'évolution de chacun de ces exemples, la comparaison jette un éclairage supplémentaire sur l'environnement et sur les facteurs particuliers observés dans ces SPL de haute technologie. De la même manière, l'analyse met en lumière à la fois les enjeux et les menaces auxquels doivent faire face les régions à forte intensité de TIC, ce qui permet de dégager des enseignements dont pourrait profiter le SPL de TIC finlandais (voir annexe I). Trois aspects majeurs seront examinés dans ce chapitre. La première partie est contextuelle et historique. Elle définit le cadre de l'analyse des facteurs liés à l'émergence de SPL de TIC ; il s’agit de comparer les différents sentiers de développement observés à Portland, Dublin et Tel Aviv avec l'expérience d'Helsinki. La deuxième partie est stratégique. Elle identifie les enjeux et les menaces auxquels doit actuellement faire face le SPL de TIC d'Helsinki, par rapport aux expériences des régions prises à titre de comparaison. Enfin, dans la partie finale, des recommandations d'action seront proposées pour assurer la compétitivité du SPL de TIC d'Helsinki, compte tenu de l'expérience des trois régions prises à titre de comparaison, ainsi que des évolutions internationales concernant les SPL de TIC de façon plus générale...
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Les contraintes auxquelles se heurtent les villes, tout comme les possibilités qui s'offrent à elles, ne sont plus les mêmes que par le passé. En effet, les pressions exercées par l'État et par la société tout entière en faveur de l'uniformisation et de l'homogénéisation sont aujourd'hui moins marquées. Parallèlement, en Europe, les autorités locales doivent faire face à des changements provoqués par l'intégration, la mondialisation économique, l'individualisation, la croissance continue des conurbations, la restructuration de l'État et la concurrence. Les problèmes et les priorités des villes commencent à diverger de ceux du reste du pays. Tous les acteurs n'ont pas les mêmes intérêts, points de vue ou stratégies. La redéfinition des frontières de la sphère politique a pour effet – direct ou indirect – de repositionner les villes (en particulier les plus grandes d'entre elles) au sein des États. Les liens étroits qui s'établissent tranversalement avec les autres villes européennes et verticalement avec l'UE ont une incidence sur le mode d'organisation des conseils municipaux. Ainsi, les représentants élus – notamment le plus éminent d’entre eux, le maire ou son homologue – tiennent aujourd'hui un rôle plus important, qui consiste notamment à représenter la ville à l'extérieur et à établir des liens entre les différents groupes d'intérêts. Les élites politiques et administratives des villes profitent de leur autonomie renforcée pour innover et expérimenter en matière d'organisation et de gestion des services. En résumé, des pressions s'exercent sur les acteurs urbains pour qu'ils fassent valoir l’intérêt commun de la ville, définissent des stratégies de liaison avec l'UE, les entreprises, l'État, la région ou les autres agglomérations et gèrent les conflits sociaux et culturels à l'échelle de la ville ; tout ceci dans le cadre d'États-nations qui n'ont pas abdiqué leur fonction, hautement développée, d'État-providence...
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