Table of Contents

  • La crise mondiale a brutalement interrompu la forte reprise de l’économie russe observée depuis la crise financière de 1998. Un ralentissement était de plus en plus prévisible, vu l’érosion de facteurs favorables tels que la sous-évaluation du rouble et les excédents de capacité de production et de main-d’oeuvre, mais la sévérité de la crise s’explique par l’imbrication d’éléments internes et externes...

  • Entre la crise financière qui a frappé la Russie en août 1998 et la crise mondiale qui a éclaté véritablement en septembre 2008, le pays a connu la meilleure décennie de croissance de son histoire, marquée par un quasi-doublement du PIB réel. Cette forte expansion de la production, doublée d’une vigoureuse appréciation réelle du rouble principalement induite par la flambée des prix de l’énergie et des matières premières, a fait que le PIB nominal mesuré en dollars des États-Unis a presque septuplé durant cette période, performance supérieure à celle de tout autre grand pays. Une série d’autres indicateurs économiques et sociaux ont aussi affiché des avancées spectaculaires ces dix dernières années. La productivité totale des facteurs a vivement augmenté, les salaires réels se sont envolés et les taux de chômage et de pauvreté ont considérablement baissé. Les amples excédents de la balance des opérations courantes, s’ajoutant au basculement de la balance des capitaux privés (les fortes sorties nettes ayant fait place à des entrées nettes encore plus massives), ont porté les réserves internationales à près de 600 milliards USD, montant dépassé uniquement par la Chine et le Japon. La transformation des finances publiques a été particulièrement spectaculaire. Après avoir fait défaut sur une partie de sa dette en 1998, l’administration fédérale a affiché une série d’excédents et a presque résorbé la dette publique tout en accumulant des avoirs extérieurs jusqu’à hauteur de 13 % du PIB fin 2008. Sur le front de l’inflation, la situation était plus nuancée, mais durant la plus grande partie de la décennie écoulée l’inflation s’est maintenue sur une trajectoire de baisse, revenant de 85 % fin 1998 à des taux inférieurs à 10 % à la mi-2007. À ce moment-là, la flambée des prix internationaux des produits alimentaires et de l’énergie s’est conjuguée avec une croissance très rapide de la masse monétaire en Russie pour entraîner l’inflation jusqu’à 15 %, puis une décrue s’est amorcée fin 2008 lorsque les prix de l’énergie et des produits de base se sont effondrés et que l’expansion monétaire s’est brusquement interrompue.

  • La Russie a bénéficié d’une décennie de forte croissance entre la crise financière de 1998 et l’intensification de la crise financière mondiale en septembre 2008, mais depuis elle est confrontée à une grave récession. Le principal défi à court terme consiste à gérer les conséquences de la contraction économique et à en limiter la sévérité et la durée. Au-delà de la crise, il est primordial de mettre en place un modèle de croissance plus saine, tirée par l’innovation, l’investissement et l’accumulation de capital humain. Cela exigera en définitive des réformes dans de nombreux domaines, mais ce chapitre se focalise sur un nombre restreint d’enjeux cruciaux : 1) renforcer encore le cadre d’action macroéconomique; 2) améliorer le fonctionnement du système financier; et 3) relever le niveau de la concurrence dans l’ensemble de l’économie en simplifiant l’intervention de l’État et en réduisant les obstacles à l’entrée.

  • Jusque vers la fin de 2008, le principal problème de politique budgétaire en Russie était de déterminer quelle proportion des abondantes recettes pétrolières il fallait épargner et quels actifs accumuler. L’irruption de la crise a transformé cet état de choses, engendrant de lourds déficits et remettant en cause la viabilité des finances publiques. Le principal enjeu de politique budgétaire à court terme est d’évaluer l’ampleur et la forme optimales de la relance budgétaire ainsi que l’étendue et les modalités appropriées du soutien public au système bancaire, tout en préservant la viabilité budgétaire. À plus long terme, la politique budgétaire peut largement contribuer à rehausser le taux de croissance potentielle. L’imposition de la richesse liée aux ressources naturelles restera une question cruciale à cet égard, et des possibilités s’offrent aux autorités de s’approprier les rentes économiques plus efficacement et plus systématiquement dans les différents secteurs tout en protégeant les incitations à l’exploration et à l’exploitation. Des réformes dans ce secteur et dans d’autres domaines sont susceptibles de rendre le système fiscal plus propice à la croissance sans nuire à l’équité.

  • Ce chapitre aborde les enjeux de la politique monétaire et de la politique de change dans un contexte de fortes fluctuations des termes de l’échange et de volatilité du compte des opérations en capital. On examine d’abord dans quelle mesure le régime de changes quasi fixes s’est montré efficace pour favoriser la désinflation lors de la remontée des prix du pétrole (de 2002 à la mi-2008) : si la reprise de l’inflation à partir du milieu de 2007 peut être imputée en partie à la flambée des prix internationaux des produits de base durant cette période, l’inflation sous-jacente est restée élevée à cause de l’orientation excessivement accommodante de la politique monétaire. Ce chapitre analyse ensuite la politique monétaire et de change après l’irruption de la crise financière mondiale qui a déclenché une brutale détérioration des termes de l’échange et des sorties massives de capitaux. Étant admis que la dépréciation préannoncée du taux de change a été coûteuse, cette politique peut être considérée – a posteriori – comme une stratégie de second choix dans un contexte de dollarisation de la dette. La politique optimale aurait consisté à ne pas offrir aux entreprises de si fortes incitations à s’endetter en devises dans les années précédant la crise, en autorisant une plus grande flexibilité du taux de change. Toutes les conditions requises pour adopter le ciblage de l’inflation en Russie ne sont pas encore remplies, mais les préparatifs devraient être accélérés.

  • Le système bancaire de la Russie s’est considérablement développé et renforcé depuis la fin de la crise financière de 1998, mais même avant que la crise mondiale actuelle n’éclate il ne jouait encore qu’un rôle limité dans l’intermédiation de l’épargne et de l’investissement, surtout à l’égard des petites et moyennes entreprises. De plus, en dépit d’importantes améliorations, certaines carences de la supervision prudentielle ont subsisté et le secteur bancaire russe a continué d’abriter un nombre excessif de petits établissements qui n’exerçaient guère d’activités bancaires. Un regroupement plus poussé dans le secteur permettrait à la fois de renforcer la concurrence et d’accroître la robustesse du système. Ce chapitre examine les impératifs d’action à court terme face à la crise et les réformes qui pourraient être engagées dans le long terme pour améliorer l’efficacité et la résilience du système financier et pour augmenter le taux de croissance potentielle de la Russie. Certes, la crise actuelle s’avère douloureuse pour le secteur bancaire et l’économie dans son ensemble, mais elle peut faciliter une restructuration du système qui sera bénéfique dans le long terme, ainsi que de nouvelles approches de la réglementation qui rendront le secteur bancaire moins sujet aux crises.

  • Ce chapitre s’appuie sur les indicateurs OCDE de la réglementation des marchés de produits (RMP) pour évaluer dans quelle mesure l’environnement réglementaire en Russie favorise la concurrence et pour attirer l’attention sur les secteurs dans lesquels de nouveaux efforts de réforme seraient payants. Les estimations de ces indicateurs font apparaître que, en dépit d’améliorations dans certains domaines, de nombreux aspects du cadre réglementaire de la Russie sont encore restrictifs, et il subsiste des possibilités considérables de rehausser la performance économique en alignant la réglementation sur les meilleures pratiques. En particulier, à en juger par les scores obtenus, réduire le rôle du secteur des entreprises d’État sur les marchés intrinsèquement concurrentiels et redoubler d’ efforts pour libéraliser les régimes du commerce extérieur et de l’investissement serait bénéfique pour la performance économique de la Russie. Toutefois, les travaux en cours doivent être centrés sur la séparation des segments concurrentiel et monopolistique du marché et sur la levée des obstacles à l’entrée. En outre, les autorités doivent développer les capacités et les pouvoirs des régulateurs sectoriels. La mise en place d’une politique globale de la concurrence contribuerait aussi à mettre au premier plan la question de la concurrence et à diffuser une éthique concurrentielle dans les différents niveaux d’administration.