Résumé

L’évolution de la situation économique, monétaire et financière à l’échelle mondiale a accentué les risques et les incertitudes. La reprise qui était en cours, soutenue par des améliorations dans les chaînes d’approvisionnement, l’augmentation du nombre de touristes, la libération de la demande contenue et des politiques accommodantes, a récemment perdu de son élan (Graphique 1).

La demande intérieure restera le principal moteur de la croissance dans un contexte où les incertitudes mondiales pèsent sur la demande extérieure. Le marché du travail restera tendu, ce qui contribuera à renforcer la croissance des salaires en 2024-25. La hausse des salaires, les subventions publiques et le nouveau train de mesures budgétaires soutiendront la consommation et l’investissement privés.

Les risques sont principalement de nature externe. Les principaux risques de divergence à la baisse par rapport aux prévisions ont trait aux perspectives mondiales, aux tensions géopolitiques et à un regain de pressions sur l’offre. À l’inverse, le tourisme et la consommation intérieure pourraient se redresser plus vigoureusement que prévu.

Le Japon se trouve à un tournant, l’inflation étant maintenant plus susceptible qu’elle ne l’a jamais été depuis son entrée en vigueur de s’installer durablement aux alentours de l’objectif de 2 %. Après une longue période de faiblesse, l’inflation mesurée par les prix à la consommation hors produits alimentaires frais, qui est la mesure utilisée par la Banque du Japon pour orienter sa politique monétaire, est supérieure à l’objectif de 2 % depuis avril 2022 (Graphique 2). La forte hausse des salaires obtenue à l’issue des dernières négociations salariales annuelles de printemps, la plus élevée observée depuis trois décennies, constitue l’amorce d’un cercle vertueux de redistribution et de croissance ainsi que d'une normalisation de la politique monétaire. L’inflation globale et l’inflation sous-jacente mesurées par les prix à la consommation devraient s’établir aux alentours de 2 % en 2024-25, sur fond de retrait des subventions publiques, de réduction de l’écart de production et d’accélération de la progression des salaires (Tableau 1).

La divergence des politiques monétaires entre le Japon et les pays comparables est source de tensions. Le taux d’intérêt directeur à court terme est resté inchangé, à -0.1 %, mais la gestion du dispositif de contrôle de la courbe des rendements a été assouplie depuis décembre 2022. Le caractère soutenu de l’inflation et la dynamique des salaires qui ressortent des projections justifient la plus grande souplesse du dispositif de contrôle de la courbe des rendements et un léger redressement progressif du taux d’intérêt directeur à court terme. Cependant, les incertitudes entourant l’évolution de l’inflation sont fortes.

Les banques paraissent résilientes à court terme, mais les risques devraient être surveillés de près. Parmi les facteurs de vulnérabilité potentiels, on peut citer la suppression progressive des mesures d’aide d’urgence, l’augmentation des risques liés aux taux d’intérêt et aux prêts à l’étranger, la proportion élevée de prêts au logement assortis d’un taux variable et la hausse des ratios dette/revenu. Il conviendrait de poursuivre les mesures engagées pour encourager les fusions et améliorer les modèles d’affaires des banques régionales, sur fond de difficultés liées aux évolutions démographiques.

Les autorités devraient viser en priorité à reconstituer les marges de manœuvre budgétaires et à assurer la viabilité de la dette, dans un contexte d’accroissement des risques liés au service de la dette découlant d’une hausse éventuelle des taux d’intérêt à long terme. Le vieillissement rapide de la population exerce des tensions sur les dépenses, orientant à la hausse les transferts au bénéfice de la frange la plus âgée, dont le montant est déjà important.

Le soutien budgétaire mobilisé pour faire face à la pandémie et au choc énergétique a porté la dette publique brute au niveau inédit de quasiment 245 % du PIB en 2022. Il faudrait cibler les mesures de soutien encore en place qui visent à amortir le choc énergétique, en vue de leur démantèlement progressif. Le recours excessif aux collectifs budgétaires et aux fonds de réserve pour imprévus amoindrit la transparence des projections et des objectifs budgétaires. L’annonce de mesures concrètes concernant les dépenses et les recettes à même d’engager le pays sur la voie d’un assainissement budgétaire à moyen terme permettrait d’améliorer la crédibilité et la viabilité de la politique budgétaire.

Pour limiter la croissance des dépenses, des réformes du système de santé et des soins de longue durée s’imposent. Au vu de la durée des séjours hospitaliers et du nombre élevé de consultations médicales, on peut penser qu’il existe des moyens plus efficients d’offrir des soins de haute qualité à la population vieillissante du Japon. Parmi les priorités de réforme, il faudrait notamment augmenter, sous conditions de ressources, le reste à charge pour les personnes âgées les plus aisées, et développer les soins de longue durée en dehors du système hospitalier.

Le Japon devrait s’appuyer au premier chef sur la taxe sur la consommation (taxe sur la valeur ajoutée) pour accroître ses recettes. Le taux actuel, de 10 %, est parmi les plus faibles de la zone OCDE. De plus, différentes déductions au titre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques ont pour effet d’éroder la base d’imposition. Les réformes fiscales devraient être accompagnées de mesures de soutien ciblées en faveur des ménages à faible revenu.

Des réformes destinées à améliorer le cadre de l’innovation et les incitations destinées aux start-ups s’imposent pour stimuler la productivité et remédier aux tensions liées au vieillissement démographique.

L’aide publique à l’investissement dans la recherche-développement (R-D) est importante, mais une meilleure diffusion de l’innovation s’impose. Les PME ne représentent que 6 % du total des dépenses de R-D. L’actuel crédit d’impôt en faveur de la R-D n’est pas immédiatement remboursable et ne peut pas être reporté, ce qui en réduit l’efficacité lorsqu’il s’agit de favoriser l’innovation des jeunes entreprises innovantes ayant peu d’impôts à payer.

La dynamique des entreprises n’est pas très forte, les start-ups étant relativement peu nombreuses. Les autorités prévoient de restreindre l’usage des garanties personnelles, ce qui pourrait contribuer à améliorer les conditions de financement des start-ups et à réduire le recours à des prêts garantis par l’État. Améliorer les conditions permettant de mobiliser du capital-innovation, par exemple via le secteur du capital-risque, actuellement sous-dimensionné, et encourager les opérations de fusions-acquisitions sont autant de mesures qui pourraient aider les petites entreprises à surmonter les obstacles à la croissance liés à leur taille.

Il sera difficile pour le Japon de parvenir à la neutralité en gaz à effet de serre d’ici à 2050, compte tenu de sa forte dépendance à l’égard des combustibles fossiles. Les énergies renouvelables ne représentent que 11 % de ses approvisionnements totaux en énergie et 22 % de son approvisionnement total en électricité.

Pour atteindre les objectifs fixés, le gouvernement prévoit de combiner investissement vert, mesures d’innovation et tarification du carbone. S’étant engagées à relever progressivement les prix du carbone, qui étaient bas, et à mettre en place un système d’échange de quotas d’émission, les autorités devraient respecter cet engagement. Le dispositif de tarification du carbone devrait être présenté en détail bien à l’avance et conçu conformément aux meilleures pratiques internationales. Il devrait en outre fournir des incitations et une visibilité suffisantes pour encourager l’investissement privé.

Des incertitudes entourent les contributions attendues des technologies innovantes, qui ne sont pas encore rentables, et de l’énergie nucléaire à la réduction des émissions. Compte tenu de l’évolution des technologies, il est essentiel d’établir des scénarios et des feuilles de route énergétiques qui prévoient plusieurs trajectoires possibles de développement des sources d’énergie.

Il faudrait intensifier les efforts actuellement déployés pour accroître la part modeste des énergies renouvelables dans le mix électrique, qui tient en partie à la fragmentation du système électrique. L’amélioration du réseau électrique concourrait à la réalisation des objectifs climatiques et au renforcement de la sécurité énergétique.

Il conviendrait d’atténuer le recul attendu de la population et de l’emploi en mettant en œuvre des mesures propres à inverser la tendance à la baisse du taux de fécondité, à lever les obstacles à l’emploi des femmes et des seniors, et à accroître le recours à la main-d’œuvre étrangère.

Le gouvernement a fait de l’inversion de la tendance à la baisse du taux de fécondité l’une de ses grandes priorités et prévoit de doubler les ressources budgétaires consacrées aux mesures d’appui aux ménages élevant des enfants. Le taux de fécondité est tombé à 1.3 et les projections démographiques laissent entrevoir, dans l’hypothèse de politiques inchangées, un recul de la population japonaise d’environ un quart d’ici à 2060. Le taux de dépendance des personnes âgées devrait atteindre 79 % d’ici à 2050 (Graphique 3).

Les mesures de soutien aux familles et aux enfants, qui permettent notamment d’améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, pourraient contribuer à inverser la tendance à la baisse du taux de fécondité. Le taux de recours des pères au congé parental et la durée de ce congé sont faibles, notamment du fait de la baisse des revenus pendant cette période, des inquiétudes quant aux répercussions négatives du congé sur leur carrière et de la capacité limitée des PME à le financer. L’augmentation prévue des dépenses consacrées à l’éducation et à l’accueil des jeunes enfants devrait permettre de disposer d’un personnel de qualité et en quantité suffisante.

Les réformes antérieures du marché du travail ont permis de renforcer l’emploi, mais des efforts supplémentaires doivent être engagés pour mettre fin au dualisme du marché du travail. Une forte proportion de jeunes et de femmes occupent des emplois non réguliers, caractérisés par des salaires bas et des perspectives professionnelles limitées, ce qui peut inciter à retarder le moment de fonder une famille, affaiblir le taux d’activité des femmes et contribuer à l’écart de rémunération entre les genres. La poursuite des réformes des modes de travail, notamment celles visant à promouvoir une rémunération égale à travail égal, améliorerait en outre les conditions de travail des seniors qui passent au statut de travailleur non régulier à l’âge de 60 ans. Il faudrait aussi réduire encore les écarts de couverture sociale et de formation entre les travailleurs réguliers et les travailleurs non réguliers.

Au Japon, le modèle traditionnel de l’emploi à vie, le système de rémunération fondé sur l’ancienneté et la retraite obligatoire découragent la participation des seniors et des femmes au marché du travail, ainsi que la mobilité de la main-d’œuvre. La suppression du droit accordé aux entreprises de fixer un âge obligatoire de départ à la retraite, qui est généralement de 60 ans, aurait pour effet d’accroître l’emploi et d’affaiblir le poids de l’ancienneté dans la détermination des rémunérations, ce qui profiterait en outre aux femmes et aux jeunes travailleurs. Le relèvement de l’âge d’ouverture des droits à la retraite au-delà de l’âge cible de 65 ans parallèlement à l’allongement de l’espérance de vie renforcerait également les incitations à travailler. Ces réformes devraient s’accompagner de mesures favorisant la reconversion des seniors, dont le taux de participation à la formation tout au long de la vie est relativement faible.

Pour faire face au déclin démographique, il convient en outre de poursuivre les actions engagées récemment en vue d’accroître le recours aux travailleurs étrangers, qui reste faible même s’il augmente. L’octroi d’un permis de séjour de longue durée aux travailleurs étrangers et à leur famille rendrait le Japon plus compétitif et lui permettrait ainsi d’attirer des travailleurs étrangers plus nombreux et plus qualifiés. Les pouvoirs publics devraient s’attacher en priorité à mettre en œuvre des mesures de vaste portée visant à renforcer l’intégration des travailleurs étrangers.

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