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Table ronde de l’Observateur de l’OCDE sur les petites et moyennes entreprises

Dernière mise à jour : 8 février 2018

Dans la zone OCDE, environ 99 % des entreprises sont des petites et moyennes entreprises (PME), qui représentent quelque 70% de l’emploi total. Mais, pour rester dynamiques et compétitives dans l’économie mondiale actuelle, les PME ont besoin d’être soutenues. Nous avons demandé à un groupe d’experts leur opinion sur ce sujet.

Quelle est l’importance des PME pour la productivité et la croissance inclusive, et quelles sont les nouvelles politiques nécessaires à leur développement ?

La prospérité des PME au cœur de la croissance inclusive

Elżbieta Bieńkowska, Commissaire européenne en charge du marché intérieur, de l’industrie, de l’entreprenariat et des PME

n secteur des PME dynamique est indispensable pour la croissance future de l’Europe. Les PME sont la première source d’emplois. Dans l’UE, les deux tiers environ de tous les emplois du secteur privé sont concentrés dans des entreprises de moins de 250 personnes. Les micro-entreprises de moins de 10 employés représentent près de 30 % de l’emploi du secteur privé de l’UE. Ces dernières années, les PME européennes ont enregistré une forte hausse (de 10,3 %) de la productivité, particulièrement marquée dans les PME de taille moyenne puisqu’elle se rapproche des résultats enregistrés dans les grandes entreprises (16,1 % et 17,1 %, respectivement).

Les PME ne contribuent pas uniquement à l’emploi : dans la plupart des pays de l’UE, beaucoup jouent un rôle essentiel en offrant aux jeunes une formation professionnelle dans le cadre de dispositifs d’apprentissage.

L’Europe pourrait cependant en faire davantage : il subsiste trop d’obstacles dont souffrent particulièrement les PME.

La Commission européenne a donc lancé plusieurs initiatives dans ce domaine. L’initiative de 2016 en faveur des start-up et des « scale-up » (entreprises en pleine croissance), par exemple, est un ensemble complet de mesures visant à accroître le nombre de PME novatrices à croissance rapide dans l’UE. Elle prévoit en particulier la création d’un outil numérique d’information sur les règles et obligations s’appliquant aux entreprises exportatrices, ainsi que des mesures destinées à améliorer leur accès au financement.

De plus, le Small Business Act pour l’Europe (SBA), qui célèbre son 10e anniversaire cette année, permet de garantir que la Commission évalue au préalable l’impact de toute nouvelle initiative législative sur les PME.

Les travaux plus généraux de l’UE sur le Marché unique favorisent également les PME. Il a été proposé de créer une carte électronique qui les aiderait tout particulièrement en simplifiant les procédures administratives et en facilitant le développement de leurs activités à l’étranger.

La Commission s’emploie aussi à faire respecter la législation sur les retards de paiement, en raison des effets préjudiciables que peuvent avoir les problèmes de trésorerie sur les PME.

Enfin, la nouvelle Stratégie pour les compétences de l’UE aidera les PME et les start-up à recruter des employés dotés des compétences dont elles ont besoin pour innover et progresser, en remédiant aux problèmes d’inadéquation entre formation et besoins de compétences des entreprises.

Ce sont là quelques exemples seulement des politiques qui permettront à l’UE de continuer à disposer d’un secteur des PME dynamique et en expansion.

https://ec.europa.eu/growth/smes_en

Des PME pour plus d’égalité et de productivité

Faruk Özlü, Ministre de la Science, de l’Industrie et de la Technologie, Turquie

De nombreux gouvernements cherchent à remédier à une faible croissance de la productivité et à une hausse des inégalités des revenus et des chances. Les petites et moyennes entreprises (PME), qui représentent plus de 95 % de l’ensemble des entreprises et fournissent 60 à 70 % des emplois dans les pays de l’OCDE, contribuent beaucoup à améliorer l’efficacité et à réduire les inégalités. En Turquie, les PME représentent plus de 99 % des entreprises, 73 % des emplois, 53 % de la valeur ajoutée, 55 % des investissements totaux, et 55 % des exportations.

Les PME sont d’importantes sources d’innovation technologique et de produits nouveaux. Leur niveau élevé de rotation du personnel et leur adaptabilité leur permettent de jouer un rôle essentiel dans l’élimination des déséquilibres régionaux et sectoriels présents dans l’économie des pays. En outre, elles emploient souvent des travailleurs à faibles revenus car elles sont souvent les seuls employeurs dans les régions pauvres et les zones rurales. Pour de nombreux travailleurs pauvres, le travail indépendant constitue la seule possibilité de revenu, de sorte que les PME revêtent une importance particulière dans les pays en développement où la pauvreté est extrême.

Les PME sont d’importantes sources d’innovation technologique et de produits nouveaux. Leur niveau élevé de rotation du personnel et leur adaptabilité leur permettent de jouer un rôle essentiel dans l’élimination des déséquilibres régionaux et sectoriels présents dans l’économie des pays. En outre, elles emploient souvent des travailleurs à faibles revenus car elles sont souvent les seuls employeurs dans les régions pauvres et les zones rurales. Pour de nombreux travailleurs pauvres, le travail indépendant constitue la seule possibilité de revenu, de sorte que les PME revêtent une importance particulière dans les pays en développement où la pauvreté est extrême.

Les avancées technologiques et les innovations sont nécessaires pour promouvoir la contribution des PME à la croissance inclusive, à l’amélioration de la productivité et à la baisse des inégalités. En Turquie, nous soutenons la R-D, l’innovation et l’ouverture mondiale au profit des PME et des entrepreneurs. Par des programmes de soutien, nous cherchons à promouvoir les activités d’innovation dans les domaines technologiques prioritaires et à soutenir les investissements dans des produits technologiques, afin d’aider les PME à créer des produits et services à forte valeur ajoutée. En outre, nos programmes de soutien des taux d’intérêt applicables aux crédits aident les PME à trouver des financements. Ce soutien est plus élevé dans les régions moins développées et la priorité est donnée aux entrepreneurs femmes et handicapés, de façon à améliorer la répartition des revenus. Enfin, nous cherchons aussi à renforcer l’écosystème entrepreneurial au moyen de formations.

Voir :https://www.sanayi.gov.tr/

La clé du succès des PME réside dans des emplois de qualité

Cathy Feingold, Directrice, Département international, AFL-CIO

Les petites et moyennes entreprises (PME) qui donnent la priorité aux investissements à long terme et à la productivité contribueront à une croissance verte et inclusive. Compte tenu de la rapidité des mutations technologiques, il nous faut des politiques nouvelles pour garantir que les avantages tirés de la hausse de la productivité dans les PME seront répartis plus équitablement parmi les travailleurs et leurs familles. La grande diversité des PME implique d’adapter les stratégies de soutien en fonction de chaque secteur. Nous avons besoin de cadres stratégiques et réglementaires qui tiennent compte de la variété des modèles et des structures organisationnelles des PME, du degré d’intégration de ces entreprises dans les chaînes de valeur mondiales (CVM) et de leurs niveaux différents d’adaptation dans les domaines financier et numérique.

Les bonnes pratiques confirment que les entreprises qui s’efforcent de livrer des produits et des services de qualité créent des emplois de qualité. Elles ont également tendance à être plus concurrentielles et novatrices. Cependant, la plupart des PME restent à la traîne et, dans les pays émergents et en développement, font encore souvent partie de l’économie informelle.

Pourquoi l’accès à la formation et au financement est-il si difficile pour les PME ? Pourquoi les conseils sectoriels et les programmes d’assurance tripartite pour la restructuration des PME sont-ils inefficaces ? Pourquoi y a-t-il tant d’emplois dans les petites et moyennes entreprises qui ne sont ni productifs ni décents ? La réponse à la plupart de ces questions réside dans le manque de pouvoir de négociation des PME face aux grandes entreprises, qui sont souvent leurs donneurs d’ordre dans les chaînes de valeur. Avec un pouvoir de négociation limité, les travailleurs ne peuvent profiter des avantages liés à la productivité. Les PME subissent une énorme pression sur les marges, qui les pousse à réduire les coûts de la main-d’œuvre. Les Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales et le Guide OCDE sur le devoir de diligence (à paraître) présentent des instruments permettant de s’assurer de la conduite responsable des entreprises et de relever les normes du travail dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.

Les politiques publiques doivent être dosées avec soin pour que les PME prospèrent. Il faut à la fois des politiques macroéconomiques en faveur de la demande globale ; des politiques du marché du travail qui garantissent la protection de l’emploi et des niveaux de salaire décents ; des politiques fiscales encourageant l’investissement dans les infrastructures publiques (par exemple la couverture haut débit), la protection sociale universelle et la formation professionnelle ; des dispositifs de transition justes ; et une politique industrielle couvrant tous les secteurs et régions.

Le dialogue social joue un rôle essentiel : il amène à intégrer davantage de travailleurs des PME dans l’économie formelle, à relever les normes de négociation des conventions collectives sur les salaires et les conditions de travail, à améliorer la conformité aux normes de travail et de santé, et à développer la formation professionnelle. Les gouvernements, les organisations patronales et les syndicats partagent la responsabilité de mieux intégrer les PME dans les cadres collectifs existants. Les PME et leurs employés doivent bénéficier du même accès aux services de soutien et à l’information. C’est seulement à ces conditions que les mesures relatives aux PME peuvent véritablement fonctionner.

Les PME sont un moteur de la création d’emplois dans la plupart des pays de l’OCDE. Le bon équilibre des politiques publiques peut leur donner le pouvoir de proposer des emplois décents, un salaire adéquat et de meilleures conditions de travail.

L’AFL-CIO est membre de la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE (TUAC). Pour plus d’informations, voir https://aflcio.org/ and https://tuac.org/ et https://tuac.org.

Connecter les PME aux technologies avancées et aux échanges internationaux

Jackie King, Chef des opérations, Chambre de commerce du Canada

John Oliver, animateur de l’émission américaine Last Week Tonight, a ridiculisé la manière dont les hommes politiques utilisent tous la phrase « les petites entreprises sont les piliers de notre économie ». Il a également souligné que c’était l’une des rares idées sur lesquelles tous les hommes politiques s’accordaient.

C’est parce qu’elle correspond à la réalité.

D’après l’OCDE, 99,7 % des entreprises du secteur non financier sont des petites et moyennes entreprises (PME). Elles sont à l’origine d’environ 60 % de l’emploi dans les pays de l’OCDE. Les petites entreprises sont au cœur des communautés de tous les pays de l’Organisation.

Pourtant, nous savons que les petites entreprises doivent affronter de sérieux défis. Si une grande partie des problèmes cycliques qui pesaient sur elles après la crise financière se sont atténués, notamment ceux liés à l’accès au crédit ou à la faiblesse de la demande intérieure, des problèmes structurels à plus long terme demeurent.

C’est pourquoi nous devons profiter de l’occasion fournie par la Conférence ministérielle de l’OCDE pour faire avancer cette question. Deux domaines en particulier doivent être privilégiés.

out d’abord, il faut renforcer la participation des PME aux échanges internationaux, et faire plus d’efforts pour impliquer les petites entreprises dans les chaînes de valeur mondiales (CVM). Les PME n’ont pas toutes la capacité ou le désir de s’intégrer dans les CVM. Mais pour celles qui en ont les potentialités et l’ambition, les pouvoirs publics peuvent faire davantage, notamment leur donner plus de place dans l’élaboration des accords commerciaux ou concevoir des programmes pour soutenir le renforcement des capacités dans les petites entreprises. Nous devrions aussi nous joindre à l’appel du Business 20 (B20) en faveur d’une « Carte de voyage d’affaires du G20 » permettant un dédouanage accéléré aux frontières.

Il faut en outre soutenir les PME en les aidant à intégrer les technologies avancées pour renforcer leur efficacité et leurs atouts, et élargir leurs activités. Le premier aspect à prendre en compte ici est la connectivité. Nous devons renforcer les infrastructures numériques des zones urbaines et (surtout) rurales, et pour cela trouver de nouveaux modes de financement. Nous devons également soutenir les initiatives internationales multipartites concernant la plate-forme de commerce électronique Electronic World Trade Platform (eWTP) et le SME Market Link, là encore pour mieux faire connaître les avantages des technologies de pointe pour les petites entreprises.

Dans ces deux domaines, nous attendons des gouvernements qu’ils encouragent l’innovation et la collaboration dont les PME ont besoin pour prospérer.

La Chambre de commerce du Canada est membre du Comité consultatif économique et industriel auprès de l’OCDE (BIAC). Pour en savoir plus, voir :www.chamber.ca/ and http://biac.org/

Les relations interentreprises renforcent-elles la productivité des PME ?

Elisa Giuliani, Professeur au département d’économie et de gestion de l’université de Pise

Depuis plusieurs décennies, les responsables de l’action publique et les spécialistes prônent les connexions, la résolution des problèmes de coordination et la création de liens de collaboration entre les petites et moyennes entreprises (PME) et les grandes entreprises multinationales. Les pouvoirs publics et les donneurs se sont employés à rapprocher les PME des multinationales et à les encourager à intégrer des réseaux locaux, dans l’espoir de créer davantage de « Silicon Valleys » dans le monde. Ils attendent de ces liens qu’ils renforcent l’efficacité des petites entreprises et leur capacité à faire face à la concurrence internationale. Des quantités de théories économiques et sociologiques viennent à l’appui de cette idée.

Les faits montrent que les liens entre multinationales et PME donnent des résultats variables sur le plan de la productivité. Les petites entreprises se trouvent souvent évincées par des investisseurs étrangers plus puissants dans la course aux financements et au soutien, et, sinon, éprouvent des difficultés à profiter des connaissances et compétences réputées supérieures des entreprises multinationales. Celles-ci semblent néanmoins jouer un rôle positif à l’intérieur des grappes industrielles. Ces réseaux locaux offrent aux PME davantage de possibilités de tirer parti des multinationales, car les connexions locales atténuent les obstacles et renforcent la capacité d’absorption des PME. Il n’est pas étonnant que les études consacrées aux impacts des politiques de grappes industrielles montrent un rapport étroit entre réseaux locaux et hausse de la productivité des PME. Le message semble clair : pour faire de bonnes prises, il faut un filet adapté, en l’occurrence un bon réseau local. Les grappes industrielles ne sont pas des remèdes miracles mais il est intéressant de constater qu’elles donnent un avantage aux petites entreprises. Elles s’inscrivent aussi dans une vision plus globale : avec les mutations mondiales, l’hyper-mondialisation, la relocalisation et l’industrie 4.0, les normes impératives de viabilité socio-environnementales exigent que les entreprises et les gouvernements agissent localement plutôt que d’attendre la résolution de leurs problèmes par des acteurs éloignés.

©OCDE Observeateur No 313, T1 2018

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