Résumé

Les solides institutions macroéconomiques du Pérou, caractérisées par l’existence de règles budgétaires, une banque centrale indépendante et une réglementation financière robuste, ont permis une croissance économique forte, garanti la stabilité macroéconomique et permis de réduire sensiblement la pauvreté au cours des deux dernières décennies. Ces points forts ont permis d’atténuer les conséquences économiques et sociales, sur le pays, des chocs majeurs de ces dernières années. Après un ralentissement économique marqué dû à la pandémie de COVID-19, l’économie a rebondi rapidement, mais elle a depuis fortement ralenti (Graphique 1), sur fond de baisse de la croissance mondiale liée à la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, d’accroissement des incertitudes politiques, d’inflation élevée, de durcissement des conditions financières et, depuis peu, de troubles sociaux généralisés et de conditions météorologiques extrêmes. Les prix élevés des métaux ont soutenu l’économie.

L’impact de ces chocs s’est traduit par des tensions inflationnistes, la hausse des prix touchant durement de nombreuses familles vulnérables. Grâce au resserrement rapide de la politique monétaire, les anticipations d’inflation ont commencé à diminuer et l’inflation globale comme l’inflation sous-jacente ont ralenti, même si elles restent élevées. La Banque centrale de réserve du Pérou (BCRP) devrait maintenir l’orientation restrictive de sa politique monétaire pour ramener durablement l’inflation vers son objectif. L’emploi a renoué avec ses niveaux d’avant la pandémie, mais la qualité des emplois a continué de se dégrader, ce qui, conjugué aux tensions inflationnistes, pourrait entraîner une hausse persistante de la pauvreté et des inégalités.

La croissance économique devrait s’établir à 1.1 % cette année, puis s’accélérer progressivement pour atteindre 2.7 % en 2024 (Tableau 1). Le niveau élevé des taux d’intérêt, l’inflation ainsi que l’incertitude politique pèseront sur la consommation et l’investissement privés. Les efforts déployés par les pouvoirs publics pour relancer l’investissement dans les infrastructures, de même que plusieurs projets de partenariat public-privé (PPP) annoncés, soutiendront l’investissement. Le tourisme et la production de cuivre devraient se redresser et doper les exportations. L’inflation devrait continuer de ralentir et atteindre la fourchette de 1-3 % retenue comme objectif par la banque centrale au début de 2024. Les risques associés au durcissement des conditions financières dans le monde sont atténués par l’ampleur des réserves de change et le niveau modéré de la dette publique. Le secteur financier reste résilient, avec des banques bien capitalisées disposant d’amples volants de liquidités. Cependant, les incertitudes politiques et de nouvelles flambées de troubles sociaux demeurent des risques majeurs.

La fréquence des catastrophes naturelles, aggravées par le changement climatique, cause des dommages aux infrastructures, aggrave les perturbations des chaînes d’approvisionnement et alimente l’inflation, réduisant in fine la croissance à moyen terme. El Niño, un phénomène naturel devenu plus fréquent, devrait être modéré cette année mais continue de représenter un risque, car il peut évoluer rapidement, provoquant de fortes précipitations et des pertes économiques qui pourraient compromettre l’assainissement budgétaire. Pour lutter contre le changement climatique, le Pérou s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. La définition prochaine d’une stratégie de transition climatique assortie d’étapes et de mesures concrètes pourrait permettre d’atteindre cet objectif ambitieux. La réalisation des objectifs visés en matière de réduction des émissions dépendra en grande partie des progrès accomplis dans la lutte contre la déforestation, qui constitue une source importante d’émissions, et dans l’utilisation de sources d’énergie renouvelables.

Des politiques budgétaires prudentes et un engagement résolu en faveur des règles budgétaires ont permis au pays de se constituer d’amples marges de manœuvre et de résister aux chocs récents. Un programme de relance récemment adopté vise à stimuler l’investissement, à protéger les ménages de l’inflation élevée et à soutenir une économie atone, dans le respect des règles budgétaires. Dans les temps à venir, la politique budgétaire devrait rester prudente, conformément à l’assainissement programmé des finances publiques, et permettre de reconstituer des marges de manœuvre budgétaires afin de se préparer à de futurs chocs, y compris des catastrophes naturelles.

Pour répondre à la demande croissante de services sociaux et d’infrastructures tout en préservant la viabilité des finances publiques, il faudra améliorer l’efficience des dépenses et accroître les recettes fiscales. À 17 % du PIB, les recettes fiscales sont faibles par rapport à celles d’autres pays (Graphique 2). La médiocrité de la discipline fiscale, l’ampleur de l’économie informelle, l’importance des dépenses fiscales, un cadastre incomplet et obsolète et un seuil élevé d’assujettissement à l’impôt sur le revenu des personnes physiques sont autant de facteurs qui contribuent à la faiblesse des rentrées d’impôts. La complexité des multiples régimes d’imposition des sociétés provoque une importante fraude fiscale, encourage l’économie informelle, n’incite pas les entreprises à se développer et contribue à une faible productivité.

La stabilité macroéconomique et l’ouverture commerciale ont favorisé une forte croissance dans les secteurs exportateurs de produits de base. Cependant, les performances économiques se sont dégradées au cours de la dernière décennie, et la convergence par rapport aux pays de l’OCDE a marqué le pas. Pour relancer et élargir la croissance et améliorer les niveaux de vie de tous les citoyens, il est nécessaire de continuer à renforcer les principaux leviers de la croissance.

Au Pérou, le secteur privé est florissant, mais la faiblesse de la concurrence due à la position dominante occupée par un petit nombre de grands groupes d’entreprises est préoccupante. Un dispositif général de contrôle des fusions a été mis en place en 2021, et constitue un pas important dans la bonne direction. L’autorité péruvienne de la concurrence, qui jouit d’une excellente réputation, pourrait être encore renforcée pour améliorer le respect du droit en la matière. La faiblesse de la concurrence résulte, au moins en partie, du niveau excessif des coûts de mise en conformité avec la réglementation. La création de guichets uniques intégrant les procédures nationales et infranationales de création d’entreprise contribuerait à alléger la charge que fait peser la réglementation sur les entreprises formelles.

Du fait de la faiblesse de l’état de droit (Graphique 3), l’environnement des entreprises n’est pas suffisamment stable et prévisible, ce qui a un effet dissuasif sur l’investissement, les échanges et l’entrepreneuriat. Renforcer l’indépendance et l’efficacité de la justice, notamment remplacer les juges temporaires par des magistrats nommés à titre permanent, avec des critères clairs d’ancienneté et d’évolution de carrière, et faire des progrès sur le plan de la transformation numérique et de l’interopérabilité des systèmes d’information des tribunaux sont autant de mesures qui pourraient constituer la pierre angulaire d’un programme de réforme plus large visant à améliorer l’état de droit.

Par son ampleur, la corruption sape la capacité des autorités à mettre en œuvre les politiques publiques, à collecter des recettes et à faire respecter les lois et règlements. Une stratégie globale est essentielle pour mener une action dissuasive efficace contre la corruption, notamment en renforçant les mesures préventives existantes en matière d’intégrité et en les conjuguant à des réformes destinées à décourager, prévenir et sanctionner les actes de corruption dans divers domaines. La justice et la fonction publique sont des domaines clés dans lesquels des réformes s’imposent. Elles permettront non seulement de renforcer la responsabilisation du secteur public et son efficacité, mais aussi de nourrir la confiance dans les institutions et de favoriser la cohésion sociale.

La capacité de l’État à réaliser des investissements publics indispensables et à fournir des services publics de haute qualité est limitée par la fragmentation de la fonction publique. Le recours excessif aux contrats de services administratifs se traduit par une rotation élevée des effectifs, une perte d’expérience et une dissuasion insuffisante des actes de corruption. Il faut relancer la réforme de la fonction publique de 2013, qui n’a guère progressé.

Pour améliorer la qualité des services publics et remédier aux inégalités entre régions, il est nécessaire de revoir la décentralisation budgétaire. Cela suppose notamment de définir clairement les compétences des administrations nationale et infranationales en matière de dépenses, et d’étoffer progressivement le pouvoir d’imposition des régions. Il sera crucial de renforcer les capacités de planification des investissements publics, son efficacité et sa coordination, en particulier au niveau local, pour améliorer la réalisation des investissements en infrastructures et leur efficience.

Le Pérou est l’un des pays d’Amérique latine où l’économie informelle est la plus élevée (Graphique 4), 80 % environ des travailleurs occupant des emplois informels et n’ayant qu’un accès limité à la protection de l’emploi ou aux prestations de sécurité sociale. Du fait de l’ampleur de l’activité informelle, les travailleurs se sont retrouvés sans protection pendant la pandémie de COVID-19, et ce phénomène constitue un facteur essentiel de perpétuation des inégalités et de la pauvreté, et nécessite un programme de réformes complet.

L’accès limité à un enseignement de qualité et le coût élevé du travail dans le secteur formel expliquent largement l’importance du secteur informel. La médiocrité des résultats de l’enseignement, le niveau élevé des coûts non salariaux qui servent à financer les prestations de sécurité sociale du secteur formel, la réglementation stricte sur la protection de l’emploi et le niveau relativement élevé du salaire minimum, qui est proche du salaire médian, rendent très coûteux les emplois formels et engendrent un cercle vicieux qui perpétue le travail informel. Il est également indispensable d’améliorer le droit du travail et la discipline fiscale, ainsi que de simplifier la fiscalité des entreprises et leur environnement réglementaire, pour faire reculer l’économie informelle.

Il est essentiel d’élargir l’accès à une éducation de haute qualité pour rehausser la productivité, réduire les disparités entre les genres sur le marché du travail et promouvoir l’économie formelle. Les fermetures prolongées d’établissements d’enseignement pendant la pandémie ont dégradé les résultats scolaires, déjà médiocres, et creusé les inégalités, du fait de fortes disparités en matière de préparation au numérique. L’accès à des services d’éducation des jeunes enfants de qualité reste limité, en particulier dans les zones rurales et vulnérables. Pour développer l’accès à une éducation de qualité à tous les niveaux, il faudra améliorer la qualité de l’enseignement et les infrastructures scolaires, notamment dans les régions défavorisées.

Pour réduire l’économie informelle et étoffer la protection sociale, il faudra que tous les Péruviens puissent bénéficier d’un niveau élémentaire de protection sociale. Cela passe par une augmentation des dépenses consacrées aux transferts monétaires conditionnels, aux pensions sociales et au système de santé, les personnes à même de cotiser davantage bénéficiant d’un ensemble de prestations plus complet. La réduction des cotisations sociales concernant les travailleurs à faible revenu sera essentielle pour favoriser la régularisation des activités informelles.

Pour parvenir à relever les défis qui se profilent l’horizon et à mettre en œuvre le programme complet de réformes structurelles nécessaires, il est essentiel de bâtir un consensus et de favoriser la stabilité politique.

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