Résumé

En Croatie, la reprise vigoureuse enregistrée après la crise liée au COVID-19 s’est vue ralentie en 2022 par la flambée de l’inflation et le fléchissement de la croissance mondiale. À l’avenir, la croissance sera étayée par le redressement du revenu disponible réel des ménages attribuable à la hausse des salaires et de l’emploi, par la vigueur des exportations de services, et par l’expansion de l’investissement (tableau 1). L’intégration dans la zone euro et l’espace Schengen donne un coup de pouce supplémentaire à la demande extérieure. La disponibilité limitée des capacités inutilisées, notamment du fait des pénuries de compétences, pèse sur la croissance de la production. Pour assurer une croissance économique durable, il sera indispensable de ramener l’inflation à de faibles taux tout en développant le potentiel productif de l’économie.

La politique économique menée par la Croatie a permis de lutter énergiquement contre la crise liée au COVID-19 et celle des prix de l’énergie. Face à la hausse des prix, des programmes d’aide publique généreux ont permis de soutenir les revenus des ménages et des entreprises. L’essentiel de ces mesures se compose de subventions aux prix largement non ciblées, ainsi que d’aides destinées aux catégories vulnérables et d’investissements visant à améliorer l’efficacité énergétique. Après avoir été récemment prolongées, ces mesures arriveront pour la plupart à expiration en octobre 2023 et avril 2024, et perdent de leur importance à mesure que les prix de l’énergie reculent. Le reflux des prix de l’énergie fait baisser l’inflation globale (graphique 1). Toutefois, l’augmentation des coûts des intrants, des contraintes de capacités et des salaires, ainsi que le niveau élevé des anticipations des prix, ralentissent le recul de l’inflation. Si les prix de l’énergie devaient repartir à la hausse, la consommation privée, les finances publiques et la compétitivité internationale pourraient être mises à mal.

Le secteur bancaire paraît raisonnablement sain. La suppression de la plupart des risques de change des bilans des banques a permis de dégager des liquidités. Cela limite temporairement la transmission à la Croatie du durcissement de la politique monétaire dans la zone euro. Faire en sorte que l’augmentation des liquidités soit employée à des investissements économiquement rentables permettrait de tirer le meilleur parti de l’intégration dans la zone euro. Une forte augmentation des prêts de faible qualité ou une détérioration de la santé des banques due à des effets de contagion des difficultés bancaires internationales mettrait en péril les concours destinés à l’investissement.

Les excédents budgétaires primaires enregistrés sur la durée ont permis de dégager une marge de manœuvre budgétaire pour faire face à la pandémie de COVID-19 et à la flambée des prix de l’énergie, et de maîtriser les ratios d’endettement public. Veiller à ce que les finances publiques soient gérées de manière contracyclique tout en investissant dans les infrastructures et la transition écologique et en faisant face aux difficultés budgétaires liées au vieillissement démographique reste un défi majeur.

La croissance économique, la hausse des prix et le retour à un excédent budgétaire en 2022 ont permis de ramener le ratio de la dette publique aux alentours de 60 % du PIB. Les écarts de rendement des obligations d’État et les notes des agences se sont améliorés lorsque l’adhésion à la zone euro a été confirmée, et sont depuis restés stables. Le retour des déficits budgétaires en 2023 et 2024 ajoutera aux tensions sur la demande et aux tensions inflationnistes. À l’avenir, assainir les finances publiques contribuerait à la stabilisation macroéconomique et permettrait de garantir des ressources pour répondre aux besoins futurs d’investissement, notamment dans les compétences, la transition écologique et la transformation numérique du secteur public. La Croatie améliore progressivement ses modalités de préparation et de suivi de son budget, et elle est en train de mettre en place des examens des dépenses qui peuvent contribuer à améliorer les dotations en faveur de dépenses plus propices à la croissance. Globalement, les taux de l’impôt sur le revenu et des impôts indirects sont similaires à ceux de nombreux pays de l’OCDE. Cependant, de nombreuses dépenses fiscales, en particulier en faveur de secteur du tourisme, amoindrissent l’assiette des recettes et faussent les décisions d’investissement. Malgré la transformation numérique en cours de l’administration fiscale, la complexité des processus accroît les coûts de conformité.

La Croatie est un bénéficiaire relativement important des fonds de l’Union européenne et progresse de manière satisfaisante dans la mise en œuvre de son Plan pour la reprise et la résilience. Ce plan permet d’accélérer les réformes structurelles et les investissements, qu’il s’agisse de continuer à développer la formation professionnelle des adultes ou d’améliorer l’efficacité énergétique ou bien le mode de fonctionnement et de réglementation de l’État. Le gouvernement a mis en place des organismes spécifiquement chargés de la mise en œuvre du Plan. Leur réussite montre qu’en augmentant les capacités organisationnelles et en renforçant la coordination, on pourrait améliorer les modalités de mise en œuvre d’autres programmes et investissements publics.

La complexité des structures administratives et la pénurie de personnel administratif clé compromettent la qualité des services publics. Par rapport à la population, les administrations infranationales sont comparables en nombre et en taille à celles de nombreux pays de l’OCDE. Cependant, des chevauchements de responsabilités et des difficultés de coordination nuisent à l’efficacité et à la prestation de services sociaux essentiels, et compliquent les processus réglementaires. Les salaires de la fonction publique ne sont sans doute pas compétitifs, ce qui affaiblit les capacités administratives.

Les émissions de gaz à effet de serre de la Croatie n’ont que légèrement diminué ces dernières années, et l’intensité d’émission de son économie reste relativement forte. Relever les niveaux de vie tout en réduisant les émissions nécessitera d’accélérer le découplage entre émissions et activité économique.

Une tarification cohérente des émissions s’inscrivant dans le cadre d’une panoplie de mesures comprenant également des réglementations et des aides à l’investissement peut aider à réduire l’intensité d’émission. Environ un tiers des émissions de la Croatie font l’objet d’une tarification du carbone via le système européen d’échange de quotas d’émission (SEQE-UE). Cependant, les subventions ou les taux d’imposition réduits dont bénéficient certains combustibles fossiles vont à l’encontre de la réduction des émissions. En outre, en Croatie, les émissions par habitant imputables aux transports sont supérieures à celles de la plupart des pays de l’OCDE, en partie à cause du sous-développement relatif des transports publics et du vieillissement du parc automobile. Y remédier nécessitera des dépenses considérables de la part des ménages et du secteur public. La rénovation des bâtiments peut contribuer à réduire les émissions et la précarité énergétique, mais les coûts initiaux constituent un obstacle.

La Croatie est vulnérable au réchauffement climatique. Les dommages causés par des événements météorologiques extrêmes comme des inondations risquent d’augmenter, ce qui alourdira les coûts pour le secteur privé et les finances publiques. Parallèlement, la couverture d’assurance est limitée.

Une croissance plus vigoureuse de la productivité et de l’investissement sera indispensable pour accélérer la convergence économique (Graphique 2). Le secteur du tourisme a joué un rôle essentiel dans la progression des revenus et des exportations de la Croatie, mais tous secteurs confondus, les entreprises sont souvent moins productives que leurs homologues de l’OCDE. La productivité globale est tirée vers le bas par les nombreuses entreprises peu productives qui existent depuis longtemps, et par la proportion relativement faible d’entreprises dynamiques et à forte productivité.

La faible qualité de la réglementation et de la gouvernance contribue aux écarts de productivité. Certains cadres réglementaires représentent des obstacles pour les entreprises du fait de leur conception. De plus, même si leur conception est satisfaisante, les réglementations sont souvent lourdes en pratique. Les mesures visant à réduire ces contraintes sont compromises par les pénuries de personnel spécialisé à même de concevoir et de mettre en œuvre des réformes. Le nombre d’affaires en souffrance et le recours limité aux règlements extrajudiciaires contribuent à la longueur des procédures judiciaires. Nombreux sont les citoyens qui n’ont pas confiance dans les tribunaux et les juges, et les niveaux de perception de la corruption et du clientélisme sont élevés.

Les entreprises n’ont que peu d’options de financement non bancaire à leur disposition et leurs dépenses de R-D sont relativement modestes. La plupart des entreprises ne semblent pas avoir de difficultés pour accéder à des financements. Cela étant, les financements bancaires prédominent, et sont moins accessibles aux entreprises jeunes, de petite taille et innovantes. La structure des marchés d’actions est excessivement complexe. Enfin, les programmes d’aide à la R-D sont fragmentés.

Les entreprises publiques continuent de jouer un rôle relativement important dans l’économie. Elles emploient environ 6 % de la main-d’œuvre et sont souvent en concurrence avec les entreprises privées sur les mêmes marchés. Peu productives, elles retiennent des travailleurs et des capitaux qui pourraient potentiellement être utilisés de manière plus productive par des entreprises du secteur privé. Leurs performances financières sont souvent moins bonnes que celles de leurs homologues du secteur privé et des entreprises publiques d’autres pays, en partie à cause des faiblesses de leur gouvernance et de leur vulnérabilité face aux influences politiques.

La rareté des compétences constitue un obstacle de plus en plus grand pour les investisseurs. Les résultats des élèves sont moins bons que dans des pays comparables. La plupart des adultes n’ont atteint qu’un niveau d’instruction intermédiaire, et peu d’entre eux reprennent des études pour améliorer leurs compétences. Les taux d’emploi des hommes et des femmes d’âge très actif sont plus élevés que dans la plupart des pays de l’OCDE, mais sont inférieurs chez les adultes plus jeunes et plus âgés, si bien que ces catégories sont exposées à un risque de pauvreté plus grand. Le vieillissement de la population et l’émigration ajoutent aux problèmes d’offre de main-d’œuvre.

Le manque de qualifications avancées est un obstacle majeur à l’augmentation de l’emploi et des revenus. Des réformes sont en cours pour régulariser les horaires scolaires, améliorer la qualité de l’enseignement et développer l’éducation de la petite enfance. Néanmoins, l’écart avec les pays de l’OCDE, notamment dans le domaine des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM), reste important. Peu d’adultes ont la motivation d’accéder à des formations qui leur sont destinées, et beaucoup sont dissuadés par le coût et la disponibilité des programmes (graphique 3). La fréquentation d’un nouveau système de formation des adultes reposant sur des chèques-formation a été forte et ce programme est en cours d’expansion.

Le gouvernement est en train de réformer les programmes actifs du marché du travail. Ces programmes offrent une formation, une expérience professionnelle et une aide à la recherche d’emploi plus adaptées et plus intensives à ceux qui ont une expérience professionnelle ou des compétences limitées. Les politiques actives du marché du travail vont nécessiter davantage de ressources, en particulier dans les régions les plus pauvres.

Une sortie précoce du marché du travail accroît le risque de pauvreté des retraités. Le faible taux d’emploi des adultes âgés fait baisser l’épargne-retraite et les revenus de retraite. La retraite anticipée est plus fréquente chez les travailleurs peu qualifiés et en mauvaise santé. Les règles de transfert incitent de nombreux retraités à passer de comptes autofinancés au régime de retraite financé par les administrations publiques, ce qui sape l’efficacité des réformes antérieures et fait augmenter les coûts budgétaires. L’âge légal de la retraite des femmes est en cours d’alignement sur celui des hommes. Pour l’ensemble de la population, les réformes ont pour effet de renforcer le revenu minimum garanti par le système de protection et d’améliorer le ciblage de l’aide sociale. Cependant, les communes fournissent une aide sociale importante et celles qui se trouvent dans les zones où les besoins sont les plus importants manquent souvent des ressources nécessaires.

Le taux élevé d’accession à la propriété, l’augmentation des prix des logements et l’étroitesse du marché locatif bloquent la relocalisation vers les zones les plus dynamiques sur le plan économique. La rareté des nouvelles constructions et les dommages causés par deux tremblements de terre en 2020 ont contribué à la pénurie et au surpeuplement de logements, surtout dans les grandes villes. Les biens inutilisés et les résidences secondaires réduisent encore la disponibilité de logements. Du fait du faible niveau des impôts périodiques sur la propriété, les propriétaires sont peu incités à exploiter leurs biens au mieux. Les dispositifs publics de bonification des intérêts ont contribué à l’augmentation des prix des logements. Les procédures de planification et d’approbation sont complexes, ce qui limite le lancement de nouveaux projets, mais la clarification en cours du cadastre peut contribuer à attirer des investisseurs.

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