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  • L’accélération de l’urbanisation a renforcé le rôle des grandes villes, ou régions métropolitaines. À l’heure actuelle, plus de la moitié de la population totale de l’OCDE (53 %) vit dans des régions essentiellement urbaines et la zone de l’OCDE compte 78 régions métropolitaines d’au moins 1.5 million d’habitants, qui tendent à concentrer une importante part des activités économiques nationales. C’est ainsi que Budapest, Séoul, Copenhague, Dublin, Helsinki, Randstad-Holland et Bruxelles représentent près de la moitié du PIB national. De la même manière, Toronto, Montréal et Vancouver au Canada sont à l’origine de la moitié ou plus du produit de leurs provinces respectives. En Norvège, en Nouvelle-Zélande et en République tchèque, un tiers ou plus de la production provient de grandes régions métropolitaines (Oslo, Auckland et Prague). Au Royaume-Uni, en Suède, au Japon et en France, près de 30 % du PIB national est assuré par Londres (31.6 %), Stockholm (31.5 %), Tokyo (30.4 %) et Paris (27.9 %) respectivement. Mais, fait plus important, la plupart des régions métropolitaines de l’OCDE ont un PIB par habitant supérieur à la moyenne nationale (66 régions métropolitaines sur 78), un niveau de productivité de la main-d’oeuvre supérieur (65 sur 78) et nombre d’entre elles affichent des taux de croissance supérieurs à la moyenne de leur pays.

  • La mondialisation et l’accélération des échanges commerciaux au niveau international ont remis les villes au devant de la scène. Aujourd’hui, les grandes villes ou les régions métropolitaines sont les principaux lieux des flux transnationaux et opèrent comme des noeuds spatiaux essentiels de l’économie mondiale, à telle enseigne que l’on parle souvent d’un « marché commun des économies métropolitaines ». Pourtant, le rôle que jouent les grandes villes dans la croissance économique et leur capacité à concentrer une partie importante de la population ne sont pas des phénomènes nouveaux. Memphis, Athènes et Rome ont été le centre de la civilisation, de l’éducation et du pouvoir pendant des milliers d’années. La révolution industrielle du XIXe siècle a également affirmé le rôle des grandes villes, et ce fut particulièrement le cas des ports commerciaux. Toutefois, l’accélération de l’urbanisation, conjuguée à la mondialisation et à la division internationale du travail, a donné une nouvelle dimension aux zones métropolitaines et une nouvelle ampleur à leur évolution :

  • Les régions métropolitaines sont incontestablement des acteurs importants des économies nationales, bien qu’elles ne soient pas toujours synonymes de richesse. La dimension des villes entre globalement dans une relation positive avec le revenu. Les capitales, en raison de leur éventail propre d’activités et de secteurs, occupent le devant de la scène. Grâce à leur capacité à attirer la main-d’oeuvre et les entreprises d’autres régions de leur pays et même d’autres pays, les régions métropolitaines jouissent d’un PIB par habitant supérieur à la moyenne nationale (c’est le cas de 66 des 78 régions métropolitaines). La plupart des régions métropolitaines bénéficient aussi d’une productivité de la main-d’oeuvre supérieure à la moyenne nationale (65 régions métropolitaines sur 78). Ces régions ont généralement aussi une structure démographique plus favorable que leur moyenne nationale, et des taux de dépendance des personnes âgées moins élevés. Elles ont tendance à enregistrer des taux de croissance meilleurs que ceux du pays, ce qui n’est pas surprenant. Pourtant, leur performance globale a des limites. En premier lieu, il y a des exceptions importantes au groupe des régions métropolitaines dont les performances dépassent la moyenne nationale. Parmi ces exceptions figurent des régions manifestement affectées par des « disfonctionnements ». De plus, les écarts de production, de productivité et d’emploi par rapport aux moyennes nationales ne sont pas si importants que ce que l’on aurait pu penser. Au-delà d’un certain seuil (environ 7 millions d’habitants), la relation entre la dimension de la ville et le revenu devient négative, probablement en raison des coûts d’encombrement et autres types de déséconomies d’agglomération. Enfin, la bonne performance économique, en général, des régions métropolitaines et des régions urbanisées a souvent un coût : le chômage, les inégalités et divers indicateurs d’absence de cohésion sociale (tel le taux de délinquance) ont tendance à être plus élevés.

  • La gouvernance des régions métropolitaines est un élément essentiel dans la gestion de la croissance urbaine et l’application des mesures et des stratégies gouvernementales ayant des objectifs de compétitivité. Les villes doivent faire face aux conséquences négatives de l’urbanisation et de la division internationale du travail (étalement des villes et disparités spatiales, encombrements et pollution, problèmes sociaux et zones en difficulté), mais elles doivent également faire preuve d’anticipation afin d’améliorer et de préserver leur positionnement concurrentiel. Les forces du marché contribuent à façonner les régions métropolitaines, mais les actions des pouvoirs publics en matière d’infrastructures physiques (transports et communications, enseignement et centres de recherche) et de biens immatériels (animation des grappes d’entreprises, universités, liens entre entreprises, capital humain, etc.) revêtent également de plus en plus d’importance pour les villes si elles veulent attirer et retenir une main-d’oeuvre et des capitaux potentiellement mobiles. Néanmoins, dans un contexte où leurs capacités budgétaires et financières sont de plus en plus durement sollicitées, les villes (et d’autres niveaux des administrations publiques) doivent constamment enregistrer « de meilleures performances » avec «moins de moyens ». Les régions métropolitaines doivent donc relever un défi particulier, celui qui consiste à fournir des services publics plus efficaces tout en faisant des économies d’échelle et en traitant les problèmes d’équité au niveau infra-métropolitain (externalités territoriales et retombées et positifs ou négatifs).

  • Les chapitres suivants sont tirés d’exposés présentés lors d’une série de conférences et d’ateliers sur la compétitivité des villes, organisés par la direction de la gouvernance publique et du développement territorial de l’OCDE.

  • Le développement urbain dans la société moderne puise avant tout ses origines dans la dynamique économique de la production et du travail. Cette dynamique sous-tend les fortunes diverses de chaque zone urbaine, tout comme elle rend compte dans une large mesure des systèmes ou réseaux citadins plus vastes que l’on trouve dans le capitalisme contemporain. De fait, les villes sont toujours beaucoup plus que de simples accumulations de capital et de main-d’oeuvre. Ce sont aussi des forums où s’épanouissent nombre d’autres sortes de phénomènes, sociaux, culturels et politiques. Pour être plus précis, nous pourrions dire que les ensembles localisés de production et les marchés du travail qui leur sont associés constituent des formes proto-urbaines autour desquelles se cristallisent en diverses structures concrètes ces autres phénomènes. Parallèlement à cette cristallisation, un processus d’interaction se produit dans lequel toutes les différentes dimensions de la vie urbaine ne cessent de se façonner les unes les autres. Néanmoins, sans le rôle fondamental, génétique et fonctionnel de la production et du travail, les villes telles que nous les connaissons seraient radicalement différentes en taille, en étendue et en substance. Elles ne seraient peut-être guère plus que de simples centres de services ou de petites communautés de personnes « formatées » sur le même modèle. En l’état actuel, les complexités de la ville moderne sont rendues encore plus complexes par les interactions humaines à multiples aspects qui les composent et qui sont la source de formes de créativité et d’évolution socio-économique sans fin, mais présentant toujours une spécificité historique et géographique (Hall, 1998).

  • Comment différents types de régions urbaines contribuent-ils à la croissance nationale? Voilà une question importante. L’analyse de Henderson (1997) indique que la contribution des différents types de villes (moyennes et grandes) au développement économique national dans les économies avancées n’évolue pas de manière importante dans le temps. En effet, la répartition en volume de cette contribution reste constante, et les spécialisations des villes demeurent. Les données de l’analyse datent d’avant 1990. La question est de savoir si cela reste valable pour les années 90 et les années postérieures.

  • Les villes moyennes à la recherche de nouvelles sources de dynamisme font face à une tâche ardue. Il est difficile de susciter le genre d’évolution dynamique de la haute technologie à laquelle toute ville souhaiterait être associée. Par définition, les entreprises innovantes sont risquées et peuvent échouer. Par ailleurs, elles ne sont guère susceptibles de créer d’elles-mêmes un nombre important d’emplois. Il est plus probable que l’on trouvera, à l’autre bout de l’échelle d’intensité des connaissances, des moyens plus rapides et moins exigeants de créer beaucoup d’emplois. Or ces moyens n’entraîneront pas beaucoup de développement autonome. En outre, certains de ces moyens, certes pas tous, sont exposés à la concurrence mondiale. Les biens concurrentiels collectifs sont essentiels au dynamisme local. Ils peuvent, comme nous l’expliquons plus loin, constituer le moteur d’un programme de mesures au niveau de la ville. Néanmoins, de nombreux secteurs en pointe de la nouvelle économie sont gourmands en capitaux et il existe d’autres villes qui sont, quant à elles, importantes, ce qui fait douter de la capacité de villes moyennes à « faire leur chemin toutes seules ».

  • Les villes les plus novatrices et dont la main-d’oeuvre est la plus qualifiée sont particulièrement intéressantes pour le secteur privé en tant qu’endroit optimum pour y implanter une entreprise (Services du Deputy Prime Minister du Royaume-Uni, 2004). Le tableau B.1 illustre la contribution de l’enseignement supérieur à la compétitivité des villes dans l’économie mondiale. Les activités sont classées en cinq catégories principales : innovation, mise en place d’une culture entrepreneuriale avec l’environnement à l’appui de cette culture, capital humain, effets multiplicateurs directs au niveau de l’économie, et gouvernance – c’est-à-dire participation aux prises de décision à l’échelle de la ville à propos de diverses questions de développement économique.

  • La gouvernance urbaine, notamment dans les vieilles villes industrielles qui ont connu un déclin industriel sans précédent, connaît une profonde mutation. En effet, on tente de revitaliser l’économie de ces villes en les promouvant en tant que lieux attrayants d’implantation de nouvelles entreprises et de travailleurs de l’économie cognitive. Ce changement radical de la politique urbaine pose un défi redoutable pour les responsables de l’aménagement du territoire. En effet, les mesures classiques, notamment les mesures de redistribution, sont devenues obsolètes ou inefficaces dans les circonstances actuelles où de nombreuses villes se font une concurrence acharnée pour attirer les capitaux et talents internationaux. Il est devenu évident que la revitalisation du tissu économique urbain exige une politique dynamique d’anticipation, favorable à la croissance et qui encourage la création de richesse dans le secteur privé. Cette politique nécessite en premier lieu des mesures novatrices de mobilisation de divers outils et ressources, tels la construction dans les centres-ville d’ensembles immobiliers phares de conception architecturale spectaculaire, la mise en place de nouvelles infrastructures culturelles, l’organisation de grands événements culturels et sportifs, de festivals et de foires, la promotion de l’art, la préservation et la restauration de l’héritage historique et l’image de marque de la ville. En deuxième lieu, un partenariat étroit se noue avec le secteur privé pour tenir compte de ses besoins et intérêts dans la politique urbaine et ce partenariat est une donnée de plus en plus fondamentale dans le cadre institutionnel de la revitalisation urbaine. Le partenariat et l’entrepreneuriat sont les principes directeurs de ces alliances. Cette approche d’économie de marché a aussi changé le rôle des administrations (centrales et locales) qui, plutôt que des régulateurs et des fournisseurs, sont devenues des vecteurs de ce changement.

  • La présente étude a pour objet d’examiner la relation entre la situation sociale et la situation économique d’une ville. Nous mettrons l’accent sur l’influence de l’environnement social sur la performance économique, plutôt que l’inverse. Cela est dû en partie au fait que l’on comprend mieux et que l’on reconnaît plus facilement les effets des changements économiques et des conditions matérielles sur le bien-être social et les relations humaines. On ne peut pas en dire autant au sujet des effets de l’environnement social sur l’économie.

  • Au cours des années 70 et 80, nous nous étions habitués à l’idée que, malgré la course à l’urbanisation un peu partout dans le monde en développement et dans le monde industriel, les communications modernes dans les sociétés avancées rendaient les grandes villes obsolètes en tant que modèle de développement. Pire encore, on disait que ces villes étaient un boulet pour le reste de la société, étant donné que leur déclin économique chronique entraînait en leur sein des concentrations de plus en plus importantes de problèmes sociaux dont la résolution impliquait de grosses dépenses publiques afin d’éviter un conflit ouvert. Des mesures semblaient notamment nécessaires pour inverser les sorties continues de capitaux hors des villes qu’impliquaient les jugements des marchés. Certains problèmes réels pointés par cette analyse pessimiste demeurent mais, au cours des quinze dernières années, les opinions générales vis-à-vis des villes et les questions qui se posent pour les pays de la zone OCDE ont évolué dans trois directions qui marquent une progression majeure dans notre compréhension du rôle de ces villes.

  • Les zones en difficulté suscitent un nouvel intérêt depuis une dizaine d’années avec l’accentuation du phénomène de fragmentation sociale et spatiale dans les villes et les métropoles. Ces systèmes de polarisation urbaine, qui voient le développement des vies en communautés et en ghettos, y compris les ghettos des riches et les communautés « grillagées » et le phénomène d’étalement des villes, indiquent clairement que nous sommes entrés dans une nouvelle période d’organisation métropolitaine. La transformation de ces métropoles est loin d’être terminée et les concepts en mesure de décrire précisément cette nouvelle période ne sont pas encore en place. Les oppositions en vigueur jusqu’ici, comme par exemple, le centre et la périphérie, la ville et la campagne, les zones urbaines et rurales, internes ou externes, sont de moins en moins nettes. Des principes bien établis commencent à être dépassés de tous côtés, et les nouveaux principes ont du mal à s’affirmer.

  • La théorie économique classique et la pratique des affaires ont tendance à afficher une contradiction ou à obliger à un choix entre efficacité et équité : ce qui est bon pour l’un peut être mauvais pour l’autre. Cependant, ces dernières années, on constate l’émergence de groupes d’entreprises et autres acteurs, notamment au niveau régional, dont les stratégies économiques et les projets commencent à souligner l’importance de l’équité, de l’inclusion et de la durabilité. Pourquoi cette attention nouvelle à l’équité et pourquoi apparaît-elle au niveau régional?

  • Les grandes villes du monde ont progressivement élaboré des systèmes de gouvernance qui varient fortement de l’une à l’autre. Dans certains cas, à Paris et New York par exemple, les frontières historiques et les modèles de gouvernement contribuent grandement à déterminer les systèmes contemporains. Dans d’autres villes, notamment à Toronto, Londres et Berlin, d’importants changements ont récemment été apportés aux mécanismes de gouvernance. Les grandes villes d’un même pays sont souvent dotées de dispositifs administratifs et politiques qui diffèrent grandement entre eux. Les agglomérations urbaines des pays en développement se heurtent souvent à des limites géographiques amplement dépassées par l’extension de leur développement physique. Les types de gouvernance de certaines villes se trouvent en outre compliqués par leur statut de capitale nationale et/ou régionale.

  • Le présent chapitre a pour objectif d’analyser les liens entre la situation budgétaire des villes et de leurs banlieues, d’une part, et la situation économique de leurs zones métropolitaines, d’autre part. Il est généralement admis que les zones métropolitaines sont des moteurs majeurs de la croissance dans les économies modernes. Le présent chapitre part du principe que les zones métropolitaines, afin de jouir d’une bonne santé économique, doivent être dotées d’un secteur public à l’échelon local en mesure de fournir, à des coûts raisonnables, les services requis pour les ménages et les entreprises commerciales. Ce chapitre examine deux problèmes distincts. Premièrement, comment les institutions budgétaires dans une ville et une région – administrations fiscales, organismes publics dépensiers ou prestataires de services, arrangements métropolitains et entre collectivités de partage des coûts et de l’assiette fiscale, et mécanismes de subventions entre administrations – influent sur la situation budgétaire? Comment la décentralisation et la concurrence budgétaire agissent-elles sur la situation budgétaire? Existe-t-il des politiques publiques que les autorités nationales, régionales et locales peuvent suivre qui réduiront les problèmes budgétaires auxquels de nombreuses villes sont confrontées? Deuxièmement, comment s’articule la situation budgétaire des grandes villes avec la prospérité et la réussite économiques de l’ensemble de leur région métropolitaine? Quels enseignements l’examen des zones métropolitaines et des centres-ville qui réussissent livre-t-il en matière de finances métropolitaines?