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  • Trop nombreux sont les travailleurs qui se retirent définitivement du marché du travail pour cause de problèmes de santé, et trop rares sont les personnes à capacité réduite qui exercent un emploi. C’est là un véritable drame, tant sur le plan social que sur le plan économique, qui concerne presque tous les pays de l’OCDE, et notamment l’Australie, le Luxembourg, l’Espagne et le Royaume-Uni. Les problèmes de santé, ou considérés comme tels parce que la société est incapable de prendre en compte les différences, apparaissent de plus en plus comme un obstacle à la réalisation des objectifs d’accroissement des taux d’activité et de maîtrise des dépenses publiques. Or, dans toute la zone de l’OCDE, on observe le même paradoxe, qui mérite explication : comment se fait-il qu’un nombre croissant de personnes d’âge actif se retrouvent hors du marché du travail et sollicitent un soutien du revenu pour raisons de santé alors que l’état de santé général s’améliore? Ce rapport explore les raisons possibles de ce paradoxe, explique en quoi les institutions et les politiques y contribuent et proposent différentes pistes de réformes pour améliorer la situation (pour plus de détails sur le champ de ce rapport, voir l’encadré 0.1).

  • Quels sont les principaux défis qui attendent l’Australie, le Luxembourg, l’Espagne et le Royaume-Uni sur le plan des politiques de la maladie et de l’invalidité? Ce chapitre récapitule les principales tendances observées dans ces pays durant les 10 à 15 dernières années dans quatre domaines : l’insertion professionnelle des travailleurs présentant un handicap et une capacité de travail réduite; leurs ressources financières; les coûts des régimes d’assurance maladie et invalidité ; et les erreurs d’exclusion et d’inclusion de ces régimes. Il aborde en outre les grands défis macroéconomiques que sont le vieillissement de la population, les pénuries futures de main-d’oeuvre, et l’impact de l’évolution des conditions du marché du travail sur la santé des travailleurs. Ce sont des défis à prendre en compte si l’on veut réussir la réforme des politiques de la maladie et de l’invalidité.

  • Depuis dix ans, les quatre pays ont entrepris une refonte complète de leurs politiques de la maladie et de l’invalidité. Le Royaume-Uni et l’Espagne ont mené de pair la réforme des politiques de l’emploi et des transferts sociaux. En Australie, la refonte de la politique de l’emploi a précédé celle des transferts sociaux, tandis que le Luxembourg a fait l’inverse, en aménageant et en développant la politique de l’emploi après avoir sensiblement modifié le régime des prestations. En Australie et au Luxembourg, la réforme a d’abord concerné les personnes à capacité de travail partielle, qui sont maintenant censées rester ou devenir actives et qui bénéficient pour cela d’une aide accrue. En Australie et au Royaume-Uni, l’éventail des programmes pour l’emploi et la réadaptation a été considérablement élargi et de nouveaux mécanismes de financement ont été mis en place. Le Royaume-Uni, en particulier, instaure actuellement aussi de nouveaux droits et obligations tant pour les pouvoirs publics que pour les nouveaux demandeurs de prestations d’invalidité. En Espagne, la réforme a essentiellement consisté à décentraliser et à concentrer les compétences afin d’améliorer les services et la gestion de l’admission aux prestations.

  • Les pensions d’invalidité ont la plupart du temps un caractère permanent et peu d’allocataires en sortent pour revenir à l’emploi. C’est pourquoi il faut chercher à réduire les entrées dans ce type de régime. Pour être efficace, il importe d’intervenir dès la phase initiale d’une pathologie afin d’éviter qu’elle s’aggrave et donne lieu un jour à une demande de pension d’invalidité. Ceci implique de disposer d’informations complètes sur les parcours qui mènent à l’invalidité, mais à ce jour ces informations sont rares et fragmentaires. Il est essentiel de mieux repérer les personnes qui ont des problèmes de santé et de leur apporter une aide, que ce soit au travail, pendant un congé maladie ou au chômage.

  • L’un des grands objectifs des réformes en cours des prestations d’invalidité, dans les quatre pays, est de renforcer les incitations en direction des personnes présentant une incapacité pour les amener à prendre un travail ou à rester en activité. Les prestations d’invalidité et autres prestations publiques sont une source très importante de revenu pour les personnes présentant une incapacité, surtout dans les catégories à faible revenu. Néanmoins, ces prestations, conjuguées à la fiscalité sur les revenus, peuvent créer des mécanismes désincitatif vis-à-vis de l’activité. Par exemple, dans un certain nombre de cas (Australie, Royaume-Uni et revenus supérieurs à la moyenne en Espagne) les prestations d’invalidité apparaissent plus intéressantes financièrement que les allocations chômage, ce qui explique en partie les passages fréquents du chômage à l’invalidité. Les prestations d’invalidité servent aussi de voie d’accès à une cessation anticipée d’activité, particulièrement au Luxembourg et en Espagne. Enfin, le retour à l’emploi peut impliquer un haut niveau d’imposition effective : ce type de « trappe à inactivité » existe au Royaume-Uni. Dans les trois autres pays, ce qu’on observe plutôt c’est un phénomène de « trappes à bas salaires », une augmentation du nombre d’heures travaillées n’entraînant pas toujours une hausse significative du revenu pour les travailleurs en invalidité partielle.

  • Les taux d’emploi des personnes présentant une incapacité sont très inférieurs à ceux des personnes valides. Cela s’explique en partie par des problèmes de santé graves qui empêchent ces personnes de travailler. Mais de multiples autres facteurs sont à l’oeuvre : manque de qualifications appropriées, discrimination, faible incitation à rechercher du travail et à accepter une offre d’emploi, et mesures de réinsertion inefficaces. Les lois antidiscrimination (Australie, Royaume-Uni), les quotas d’emploi (Luxembourg, Espagne) et d’autres mesures destinées à responsabiliser les employeurs et à les aider se sont révélées insuffisantes. Des mesures destinées à améliorer l’employabilité des personnes à capacité de travail réduite et à aider ces personnes à se maintenir dans l’emploi ou à trouver un emploi s’imposent.