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  • Nous n’avons jamais consommé autant de poisson, et les huiles et autres produits à base de poisson sont de plus en plus utilisés. Pourtant, les stocks les plus importants commercialement sont exploités jusqu’à leurs limites écologiques, voire au-delà. De plus, il y a des craintes que l’industrie ne s’effondre dans certaines régions. Traiter ces problèmes demande de s’attaquer à un ensemble de questions économiques, sociales, environnementales et juridiques, étroitement liées. Cela exigera un degré de coopération et de concertation sans précédent entre les acteurs du secteur.

  • Les objectifs et les outils de la pêche ont peu changé pendant des milliers d’années : il s’agissait de trouver du poisson et de l’attraper avec un filet, un hameçon ou une lance. D’abord pratiquée dans les eaux intérieures et près des rivages, la pêche s’est rapidement transformée grâce aux avancées technologiques des révolutions agricoles et industrielles : navires plus gros, pêche toujours plus lointaine et sophistication croissante. Mais l’industrie mondialisée actuelle dépend toujours des mêmes ressources et reste exposée aux mêmes incertitudes.

  • L’essentiel du poisson consommé aujourd’hui dans le monde ne provient pas de la pêche, mais de la pisciculture. Cela ne signifie pas que l’industrie de la pêche est en train de disparaître : la pisciculture dépend des aliments que lui procurent les flottes de pêche, et le poisson est une source majeure de protéines pour des millions de personnes. Le niveau des captures ne diminue pas non plus mais, au-delà des chiffres globaux, il existe un ensemble complexe de tendances : les captures se maintiennent parce qu’on se tourne vers de nouvelles espèces à mesure que la surpêche touche les espèces traditionnelles ; les navires modernes ont besoin d’équipages bien plus modestes ; et, dans de nombreux pays, la pêche sportive est économiquement plus importante que la pêche professionnelle.

  • La pêche est étroitement liée à l’environnement : une faible variation de la température de l’eau peut être synonyme de rareté ou d’abondance ; la chaîne alimentaire repose sur un nombre incalculable d’interactions allant du plancton microscopique aux gigantesques baleines ; les fonds marins, les récifs de corail et de nombreux autres habitats font partie de l’écosystème global dont dépend la survie du poisson. Or, cet environnement est mis en péril par le changement climatique et la pollution, et il subit également les effets de la pêche et de l’aquaculture.

  • Les profits générés par la pêche peuvent être immenses, d’où la concurrence féroce pour l’accès aux stocks. Les pêcheurs pirates ne respectent pas les règles conçues pour protéger les ressources et assurer leur partage équitable. Ils ruinent les moyens d’existence des autres pêcheurs et menacent la survie de certaines espèces de poissons. Il est difficile de lutter contre la pêche pirate, faute de sanctions dissuasives, et il est même difficile de prendre les pirates sur le fait en raison de l’immensité des zones à surveiller, des moyens limités dont disposent les autorités compétentes et de la complicité de certains États et de certains consommateurs.

  • De nombreuses activités de pêche sont par nature internationales, comme en témoignent les navires croisant en eaux lointaines. Cependant, c’est le secteur post-capture qui est le plus globalisé, et non la pêche elle-même. À travers les chaînes mondiales de valeur, la capture du poisson, sa transformation dans une usine et sa consommation finale, à la maison ou au restaurant, peuvent avoir lieu dans trois régions différentes. La pêche est semblable aux autres industries mondialisées en ce qu’elle est soumise aux règles du commerce international, mais elle s’en distingue sur un point : elle dépend d’une ressource que son succès même met en péril.

  • Les subventions peuvent contribuer au développement de la pêche en finançant la gestion, la recherche, les améliorations technologiques et d’autres activités menées dans l’intérêt commun. Mais elles peuvent aussi avoir des effets néfastes en encourageant la construction d’un nombre trop élevé de navires ou en rendant rentable la poursuite de la pêche au risque de nuire aux stocks. Les subventions peuvent également donner un avantage indu aux pêcheurs des pays qui peuvent se les permettre. Il est malgré tout difficile de dégager un accord sur une approche plus rationnelle et durable des subventions, et il est également difficile d’amener les pays à s’entendre sur la définition même de ce qu’est une subvention.

  • Bien que la pêche moderne soit en grande partie à la pointe de la technologie et mondialisée, elle repose toujours sur des communautés où la tradition joue un rôle important et pour lesquelles la pêche représente autant un mode de vie qu’un moyen de subsistance. Le déclin de la pêche peut affecter quasiment tous les membres de ces communautés, qu’ils soient ou non directement impliqués dans la capture ou la transformation du poisson. Le changement est par conséquent difficile, en particulier si les autres industries sont rares dans la région. Mais l’absence de changement peut être bien plus grave : elle peut entraîner l’effondrement de la pêche et le déclin des communautés qui en dépendent.

  • Les océans constituent les derniers biens communs à l’échelle mondiale. Si la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer en régit certains aspects, comme les zones de 200 milles marins au large des côtes et le droit d’exploitation du plateau continental, tout le monde peut en théorie naviguer dans le reste des mers et exploiter leurs ressources sans grande restriction. Administrer une ressource commune et globale telle que le poisson pose des problèmes particuliers. Les efforts de conservation déployés par certains peuvent s’avérer inutiles s’ils ont pour seul résultat d’allouer à d’autres une part plus importante des prises. Les pêcheries ne peuvent être durables qu’à condition de surmonter les obstacles, notamment politiques, à une coopération efficace.