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  • L’économie s’est redressée de façon remarquable après la crise de 2001. Sur la période 2002-05, la production a augmenté d’un tiers, soit à un rythme inégalé dans les autres pays de l’OCDE. Parallèlement, l’inflation annuelle a régulièrement baissé, tombant à moins de 10 % en 2004, pour la première fois depuis trois décennies, tandis qu’une politique budgétaire et monétaire saine a amélioré la confiance et réduit les primes de risque, stimulant ainsi l’investissement des entreprises et les entrées d’IDE. Des progrès notables ont par conséquent été accomplis dans la voie d’une croissance plus soutenue et plus durable. De fait, le processus de convergence du revenu réel semble s’être amorcé, après les deux périodes décevantes de la fin des années 80 et des années 90. Si le cap peut être maintenu, cela représenterait une nette rupture par rapport aux décennies précédentes, caractérisées par de courtes périodes de forte expansion suivies d’un ralentissement prononcé de l’activité ou d’une récession.

  • Depuis la crise de 2001, un remarquable programme d’assainissement économique et de réforme institutionnelle a créé de robustes fondations pour la croissance économique. En conséquence, l’expansion du PIB a été forte et stable, l’inflation a décru et le fardeau de la dette publique a été nettement allégé. Cependant, le déficit de la balance courante est élevé, les fluctuations du taux de change sont irrégulières et l’accélération récente de l’inflation comme la montée de l’endettement attirent l’attention sur les points vulnérables de la Turquie et sur la nécessité de prendre de nouvelles initiatives pour contenir les risques. Ce chapitre recense les points vulnérables de l’économie turque et présente les mesures susceptibles d’améliorer la résilience macroéconomique aux chocs.

  • Ces dernières années, le secteur des entreprises de la Turquie a affiché une croissance élevée et, en moyenne, s’est bien comporté face à une concurrence plus vive. Mais certains secteurs à forte intensité de main-d’oeuvre ont vu leur compétitivité baisser dès avant la dépréciation de la monnaie intervenue au milieu de l’année 2006, et ont subi des pertes d’emploi, augmentant les pressions politiques en faveur de mesures interventionnistes. Nous expliquons dans ce chapitre que les autorités devraient résister à ces pressions et opter pour une stratégie globale d’amélioration des conditions-cadres offertes à toutes les entreprises, indépendamment de la taille, du secteur d’activité et du statut juridique de ces dernières. Cette stratégie devrait d’abord et avant tout viser à estomper la dichotomie entre secteur formel et secteur informel. Il faudrait en particulier réduire le coût du travail et atténuer le plus possible les obstacles présents sur le marché du travail et les marchés de produits, afin d’aider les entreprises du secteur formel à rester concurrentielles et embaucher davantage. Grâce à une telle politique, les nombreuses petites et moyennes entreprises pourraient aussi plus facilement rejoindre le secteur formel, ce qui augmenterait la productivité par le jeu des économies d’échelle. Toute l’économie verrait son potentiel de croissance augmenter, l’assiette fiscale s’élargirait et les entreprises – des firmes nationales les plus diverses aux investisseurs étrangers – pourraient lutter à armes égales en Turquie.

  • La récente réforme de la sécurité sociale a amélioré largement la viabilité à long terme du système de retraite. Cependant, la structure de ce dernier reste un important obstacle à une expansion plus rapide de l’économie formelle, pour deux raisons. Premièrement, du fait des incitations à une retraite anticipée (telles que les indemnités de départ), de nombreux travailleurs d’âge moyen continuent à rejoindre le secteur informel. Deuxièmement, même lorsque le passage aux nouvelles règles régissant les retraites sera achevé, les taux de remplacement nets seront encore très généreux par rapport aux niveaux observés dans la zone OCDE, avec des taux de cotisation élevés qui dissuadent les entreprises du secteur formel d’employer une main-d’oeuvre peu qualifiée. En conséquence, la poursuite de la réforme des retraites est fondamentale pour surmonter ce dualisme économique. Enfin, parce qu’il ne couvre pas le secteur informel, le système de retraite ne contribue guère à atténuer la pauvreté au sein de la population âgée. Ce chapitre examine plusieurs réformes qui repousseraient l’âge de la retraite, réduiraient les inégalités intergénérationnelles et feraient diminuer significativement le coin fiscal sur le travail, tout en répondant mieux aux préoccupations suscitées par la pauvreté des personnes âgées à tous les niveaux de revenu.

  • Au cours des décennies passées, la Turquie a considérablement élargi l’accès de la population d’âge scolaire à l’éducation. Toutefois, la formation reste de faible qualité dans la majorité des établissements et le système éducatif s’attache avant tout à assurer une bonne formation aux élèves les plus talentueux qui sont orientés vers l’université et les emplois du secteur formel de l’économie. C’est de ce fait dans les catégories professionnelles intermédiaires et peu qualifiées que le déficit de capital humain est le plus criant. Pourtant, les catégories professionnelles « supérieures » continuent d’être privilégiées dans l’affectation des ressources. S’il est vrai que dans sa conception initiale le système éducatif devait obéir au critère du mérite, son mode de fonctionnement favorise en réalité les élèves issus de familles à revenu élevé, dotées de ressources plus importantes, et cette situation pose des problèmes d’efficience et d’équité. Le présent chapitre explicite ces problèmes et examine le formidable défi que représente la réorientation radicale du système éducatif ainsi que les changements qui seront en conséquence requis dans l’affectation des financements et la gouvernance des établissements scolaires.

  • L’amélioration de la productivité et de la compétitivité de l’agriculture turque a été entravée par des carences socioéconomiques en milieu rural et par un régime protectionniste comportant des subventions et des mesures de protection du commerce, de sorte que ce secteur se caractérise toujours par le morcellement extrême des exploitations, le manque de qualification de la main-d’oeuvre, le caractère artisanal des pratiques et la dépendance à l’égard du marché intérieur. Une réforme ambitieuse visant à supprimer les instruments générateurs de distorsions que sont le soutien des prix du marché et les subventions aux intrants pour les remplacer par un soutien direct aux revenus a été mise en route en 2000-01, mais elle risque d’être moins satisfaisante que prévu. Il faut relancer la dynamique de réforme et y ajouter une amélioration des conditions-cadres – réglementation, services de transfert technologique, irrigation et autres infrastructures – indispensables à la croissance de l’agriculture commerciale.